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Qui sont partis joyeux, pour l'Afrique Nous attendions fiévreux l'heure de la
lointaine, revanche,
Dans ce morne horizon se trouvent enlisés. Du désespoir dans l'âme et de la rage au
Combien sont restés là, des mois et des cœur.
semaines,
Attendant chaque jour, qu'un convoi les Ah ! Quand partirons-nous pour la lutte et la
emmène ; gloire ?
Du sinistre Dutard à jamais oubliés.
Mougin, que vous savez de lugubres
Ah ! Qu'ils en ont compté des heures lentes histoires,
et tristes !
Que la discrétion vous fait garder pour vous.
Madrid, plus de vingt fois, fit établir les listes, Arnaud en grand secret vous les a confiées,
Et dès réception, les fourrait au panier. Et c'est ce qui vous fait la voix désespérée
Lorsque, de Bilbao, vous revenez vers nous...
Nul ne saura jamais le mic-mac effroyable,
Tandis qu'ils attendaient, pensifs, les pauvres Par-dessus tout, ignorant la prudence qui doit
guider la Croix Rouge française compte tenu
diables, de la « non-belligérance » de l’Espagne, les
Que Malèze [sic] faisait parmi tous ces évadés ne comprennent pas pourquoi on les
classe dans la catégorie de « réfugié » alors
papiers. qu’ils se pensent en combattants. C’est ce
qu’exprime Guy Delahaye au nom du groupe
On parlait encore d'eux, parfois, dans les d’évadés qu’il représente.
veillées ;
Réfugiés ! Tel est le titre générique décerné
Maint scribouillard, penché sur sa plume par la Croix-Rouge française (San Bernardo,
rouillée, 21, Madrid) dont la mission est, paraît-il, de
pourvoir à leur évacuation d’Espagne.
Avait parfois, encore, une pensée pour eux, Réfugiés, ces officiers et sous-officiers,
Puis, vaincu, terrassé par Madame Routine, d’active ou de réserve, qui sont partis dès
S'endormait en pensant à Berthe ou Léontine l’hiver, abandonnant leur femme, leurs
Et pour les dépanner s'en remettait à Dieu. enfants, leurs vieux parents en proie à la
famine, souvent sans argent, inquiétés par la
On disait : “ Où sont-ils ? Sont-ils rois dans Gestapo ou ses acolytes vichyssois, évadés
quelqu’île ? dans l’unique but de rejoindre les forces
françaises. Réfugié, ce simple soldat, encore
L'important, après tout, c'est qu'ils restent en Espagne, qui après 18 mois de captivité en
tranquilles ! Allemagne a rejoint sa femme et son enfant à
la 3e évasion et immédiatement a gagné la
Qu'ils soient de la Vizcaye ou du Guipuzcoa, frontière, alors qu’il était à l’abri et ne courait
D'attendre ils finiront par prendre l'habitude aucun risque. […]
! 23. « Le premier 14 juillet que nous
Mais qu'ils ne viennent pas troubler nos pouvons fêter depuis l’armistice de
1940 »
quiétudes !
Ou bien, nous leur ferons goûter de Miranda L’évasion est l’acte de Résistance le plus
individuel qui soit. Or, grâce à l’internement
!”
Ainsi passaient les heures, les jours, et les
semaines.
Dutard vivait en paix, la conscience sereine ;
Et pendant ce temps-là, rêvant d'être
vainqueurs,
Nous rongions notre frein, et pendant nos
nuits blanches,
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lointaine, revanche,
Dans ce morne horizon se trouvent enlisés. Du désespoir dans l'âme et de la rage au
Combien sont restés là, des mois et des cœur.
semaines,
Attendant chaque jour, qu'un convoi les Ah ! Quand partirons-nous pour la lutte et la
emmène ; gloire ?
Du sinistre Dutard à jamais oubliés.
Mougin, que vous savez de lugubres
Ah ! Qu'ils en ont compté des heures lentes histoires,
et tristes !
Que la discrétion vous fait garder pour vous.
Madrid, plus de vingt fois, fit établir les listes, Arnaud en grand secret vous les a confiées,
Et dès réception, les fourrait au panier. Et c'est ce qui vous fait la voix désespérée
Lorsque, de Bilbao, vous revenez vers nous...
Nul ne saura jamais le mic-mac effroyable,
Tandis qu'ils attendaient, pensifs, les pauvres Par-dessus tout, ignorant la prudence qui doit
guider la Croix Rouge française compte tenu
diables, de la « non-belligérance » de l’Espagne, les
Que Malèze [sic] faisait parmi tous ces évadés ne comprennent pas pourquoi on les
classe dans la catégorie de « réfugié » alors
papiers. qu’ils se pensent en combattants. C’est ce
qu’exprime Guy Delahaye au nom du groupe
On parlait encore d'eux, parfois, dans les d’évadés qu’il représente.
veillées ;
Réfugiés ! Tel est le titre générique décerné
Maint scribouillard, penché sur sa plume par la Croix-Rouge française (San Bernardo,
rouillée, 21, Madrid) dont la mission est, paraît-il, de
pourvoir à leur évacuation d’Espagne.
Avait parfois, encore, une pensée pour eux, Réfugiés, ces officiers et sous-officiers,
Puis, vaincu, terrassé par Madame Routine, d’active ou de réserve, qui sont partis dès
S'endormait en pensant à Berthe ou Léontine l’hiver, abandonnant leur femme, leurs
Et pour les dépanner s'en remettait à Dieu. enfants, leurs vieux parents en proie à la
famine, souvent sans argent, inquiétés par la
On disait : “ Où sont-ils ? Sont-ils rois dans Gestapo ou ses acolytes vichyssois, évadés
quelqu’île ? dans l’unique but de rejoindre les forces
françaises. Réfugié, ce simple soldat, encore
L'important, après tout, c'est qu'ils restent en Espagne, qui après 18 mois de captivité en
tranquilles ! Allemagne a rejoint sa femme et son enfant à
la 3e évasion et immédiatement a gagné la
Qu'ils soient de la Vizcaye ou du Guipuzcoa, frontière, alors qu’il était à l’abri et ne courait
D'attendre ils finiront par prendre l'habitude aucun risque. […]
! 23. « Le premier 14 juillet que nous
Mais qu'ils ne viennent pas troubler nos pouvons fêter depuis l’armistice de
1940 »
quiétudes !
Ou bien, nous leur ferons goûter de Miranda L’évasion est l’acte de Résistance le plus
individuel qui soit. Or, grâce à l’internement
!”
Ainsi passaient les heures, les jours, et les
semaines.
Dutard vivait en paix, la conscience sereine ;
Et pendant ce temps-là, rêvant d'être
vainqueurs,
Nous rongions notre frein, et pendant nos
nuits blanches,
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