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la même morale, et les batailles ne leur grande force morale qui est de bon augure
avaient pas toujours été favorables. Mais aux pour les (vrais) combats à venir. C’est déjà une
moments les plus sombres, il y avait eu des “ victoire ”, victoire sur soi avant la victoire sur
hommes, au gouvernement et dans les les autres. Cette parole est un vrai réconfort
tranchées, pour faire la guerre. Aujourd'hui, la sur ces hommes qui, las de végéter dans des
lutte est la même. Ce n'est pas une défaite conditions émollientes et humiliantes,
passagère, matérielle, qui aurait pu finissent par douter de tout, et d’eux-mêmes.
l'interrompre. “ Le grand capitaine, disait
Péguy, n'est pas celui qui n'est jamais battu, Ainsi, au moment où s’achève d’une façon à
c'est celui qui se bat toujours ”. Or il y a, en peu près certaine notre séjour en Espagne,
France, beaucoup plus de grands capitaines que nous avons toujours considéré comme un
qu'on ne le croit. combat moral où nous devions remporter la
victoire sur tout ce que peut comporter
Ils combattent, ils souffrent, ils sont fils d'une d’énervant et de fatigant une attente sans
race qui demeure, chevaliers et poilus, héros utilité directe, nous pouvons nous féliciter
obscurs de l’éternelle bataille pour d’avoir gagné cette bataille. Cette victoire
l'indépendance. Et voici que dans leurs cœurs, morale peut présager la victoire physique. Le
où sont restés purs les grands enthousiasmes Cid et Horace ont déjà vaincu spirituellement
et les piétés profondes, se lève l'espérance de leurs adversaires et ils vont être les plus forts
leurs rêves : la France vit, la patrie est toujours dans le duel. Nous aussi, nous vaincrons. Ici,
un grand pays. Elle enfante dans ses douleurs nous avons appris à penser notre lutte dans le
présentes sa victoire nouvelle. Il n'y aura pas silence et dans la dignité et la méditation.
eu de morts inutiles, puisque de nouveau des Nous avons pensé la guerre. Rien ne nous fait
hommes librement parleront leur vieille douter, plus rien ne nous affaiblira. Quand on
langue, celle qui berce les enfances, forge les sait où se trouve la lumière, quand on sait où
adolescences, prépare les épanouissements. Il se trouve la vérité, c’est avec certitude que
n'y aura pas eu de morts inutiles puisque de l’on avance au-devant des dernières
nouveau des hommes de France pourront épreuves. Ici sera notre véritable force, une
travailler, étudier, soigner, puisque des force sans restriction, une force sans limites.
ouvriers et des savants des paysans et des Nous n’avons plus rien à regarder en arrière. Il
écrivains, des commerçants et des artistes y a la Patrie, devant et au-dessus. C’est notre
donneront au monde une image nouvelle d'un talent, notre science, notre étoile polaire.
pays qui sera sorti de la plus terrible de ses Nous saurons être des hommes de bonne
épreuves, purifié par la plus aimée de ses volonté.
victoires. Et ce sera un jour, comme celui
d'autrefois, il y a 25 ans, un jour comme celui Dans les discours prononcés à l’occasion du 11
de nos pères quand ils vécurent ces heures novembre 1943, on a remarqué l’absence
dont nous attendons aujourd'hui le retour ! d’allusions aux généraux rivaux du moment,
de Gaulle ou Giraud. Les évadés de l’an 1944
Trois jours après, le journal revient sur ce 11 sont dans une autre disposition d’esprit. Ils
novembre. Le même Vidal tire la leçon, à la fois prennent acte de ce que le chef de la France
de ces commémorations et de la situation des Libre est devenu le chef de moins en moins
internés. Il sait, lui, que dans quelques jours il contesté de la France de la Libération. De
sera libéré. Il livre alors une sorte de testament Gaulle devient “ notre Chef ”, tandis que le
spirituel autour de la notion de “ combat général Giraud a vite fait de passer aux pertes
moral ” : la manière dont les évadés internés et profits de l’Histoire. Une nouvelle grille de
ont subi une si longue attente témoigne d’une lecture historique fonctionne déjà, qui oublie

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