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re des pétitions et des demandes pour J’ai vu des camarades venir directement des
partir. J’ai vu des conversations en venir aux prisons à Miranda et me déclarer : “ Je
mains et aux coups au seul sujet de ces préférais la prison... ” Et je comprends
départs. Là-bas, on ne comprend absolument pourquoi Miranda est si redouté. Miranda
pas que Miranda n’ait pas priorité absolue sur réunit : le manque total de confort,
les Balnéarios au moins. Les gens acceptent la l’insuffisance de nourriture, l’impossibilité de
vie matérielle déplorable, à condition qu’au s’évader intellectuellement, la perspective
moins cela les mette en bonne place pour le des barbelés et des sentinelles, la totale
départ. préoccupation du départ, la vie en commun
avec l’impossibilité de s’isoler, l’absence
Au point de vue matériel. Il n’y a pas au camp d’hygiène et les dépressions morales
une cantine de linge ou de vêtements, les fréquentes.
hommes sont obligés parfois de découdre des
doublures de vestes pour se faire des shorts. Il On peut supporter cela quinze jours ou un
y a bien 50% de l’effectif qui ne possède pas mois, on ne peut pas l’accepter davantage
une chemise correcte, ou manque de surtout en sachant que d’autres bénéficient
sandales. Il faudrait des serviettes, des d’une vie bien différente en Balnéario.
mouchoirs et ne pas oublier que la plupart des
internés ont passé la frontière avec une brosse Maintenir un semblant de sociabilité, dans ces
à dents et ce qu’ils avaient de linge sur le dos conditions, n’est pas chose facile. Personne ne
sans linge de rechange. J’ai vu des camarades le sait mieux que ceux des Français qui ont
vendre leur petit pain 5pts pendant plusieurs bien voulu accepter d’être “ nommés ” chefs
jours pour s’acheter du linge ou du savon. Il de groupe par leurs concitoyens. A l’instar de
suffit de voir dans la journée les gens se Marc Hyafil, par exemple, chef du groupe des
promener en short usé torse nu et en savates Français du lieu de détention (liberté
presque immettables pour comprendre la surveillée, plutôt) qui se trouve à Arnedillo. Il a
pauvreté dans laquelle vivent les 80% du eu la bonne idée de tenir un journal de bord
camp. Certains officiers bénéficient d’un dans lequel il note, de manière très détaillée,
régime de faveur : ils ont une baraque les difficultés qu’il rencontre dans l’exercice de
aménagée spécialement, meublée de lits avec sa mission. On voit comment une micro-
draps et l’on comprend qu’ils soient sujets à société, pour sa préservation, se doit d’auto-
critique. Bien des officiers du reste ont refusé créer des règles de vie commune pour
ce privilège et préfèrent partager le sort échapper à l’égoïsme, au désordre.
commun.
Vu S. : il prend en charge les soins dentaires et
Traitement par les Espagnols. En général, les m’en rend compte, comme dentiste il fera
contacts avec les Espagnols sont rares, seuls réaliser de sérieuses économies chez le
aux cuisines, ils sont plus fréquents. J’ai vu à dentiste d’Arnedillo qui aurait tendance à
plusieurs reprises des gens insuffisamment augmenter ses factures s’il n’était pas
nourris par les repas venir solliciter quelques surveillé et aussi à bâcler le travail. S. est
suppléments aux cuisines patienter chargé de toute la question université et
calmement pendant plusieurs quarts d’heures bibliothèque même au point de vue
pour finalement recevoir, sans avertissement, comptable, M. de préparer les consignes
un plein seau d’eau sur le corps de part des médicales et de faire un rapport pour nos
Espagnols rageurs et méchants. J’ai aussi vu successeurs sur le moral. Il est décidé la
des coups de crosse aux approches de création du conseil de direction comprenant
chantiers dans le camp.
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partir. J’ai vu des conversations en venir aux prisons à Miranda et me déclarer : “ Je
mains et aux coups au seul sujet de ces préférais la prison... ” Et je comprends
départs. Là-bas, on ne comprend absolument pourquoi Miranda est si redouté. Miranda
pas que Miranda n’ait pas priorité absolue sur réunit : le manque total de confort,
les Balnéarios au moins. Les gens acceptent la l’insuffisance de nourriture, l’impossibilité de
vie matérielle déplorable, à condition qu’au s’évader intellectuellement, la perspective
moins cela les mette en bonne place pour le des barbelés et des sentinelles, la totale
départ. préoccupation du départ, la vie en commun
avec l’impossibilité de s’isoler, l’absence
Au point de vue matériel. Il n’y a pas au camp d’hygiène et les dépressions morales
une cantine de linge ou de vêtements, les fréquentes.
hommes sont obligés parfois de découdre des
doublures de vestes pour se faire des shorts. Il On peut supporter cela quinze jours ou un
y a bien 50% de l’effectif qui ne possède pas mois, on ne peut pas l’accepter davantage
une chemise correcte, ou manque de surtout en sachant que d’autres bénéficient
sandales. Il faudrait des serviettes, des d’une vie bien différente en Balnéario.
mouchoirs et ne pas oublier que la plupart des
internés ont passé la frontière avec une brosse Maintenir un semblant de sociabilité, dans ces
à dents et ce qu’ils avaient de linge sur le dos conditions, n’est pas chose facile. Personne ne
sans linge de rechange. J’ai vu des camarades le sait mieux que ceux des Français qui ont
vendre leur petit pain 5pts pendant plusieurs bien voulu accepter d’être “ nommés ” chefs
jours pour s’acheter du linge ou du savon. Il de groupe par leurs concitoyens. A l’instar de
suffit de voir dans la journée les gens se Marc Hyafil, par exemple, chef du groupe des
promener en short usé torse nu et en savates Français du lieu de détention (liberté
presque immettables pour comprendre la surveillée, plutôt) qui se trouve à Arnedillo. Il a
pauvreté dans laquelle vivent les 80% du eu la bonne idée de tenir un journal de bord
camp. Certains officiers bénéficient d’un dans lequel il note, de manière très détaillée,
régime de faveur : ils ont une baraque les difficultés qu’il rencontre dans l’exercice de
aménagée spécialement, meublée de lits avec sa mission. On voit comment une micro-
draps et l’on comprend qu’ils soient sujets à société, pour sa préservation, se doit d’auto-
critique. Bien des officiers du reste ont refusé créer des règles de vie commune pour
ce privilège et préfèrent partager le sort échapper à l’égoïsme, au désordre.
commun.
Vu S. : il prend en charge les soins dentaires et
Traitement par les Espagnols. En général, les m’en rend compte, comme dentiste il fera
contacts avec les Espagnols sont rares, seuls réaliser de sérieuses économies chez le
aux cuisines, ils sont plus fréquents. J’ai vu à dentiste d’Arnedillo qui aurait tendance à
plusieurs reprises des gens insuffisamment augmenter ses factures s’il n’était pas
nourris par les repas venir solliciter quelques surveillé et aussi à bâcler le travail. S. est
suppléments aux cuisines patienter chargé de toute la question université et
calmement pendant plusieurs quarts d’heures bibliothèque même au point de vue
pour finalement recevoir, sans avertissement, comptable, M. de préparer les consignes
un plein seau d’eau sur le corps de part des médicales et de faire un rapport pour nos
Espagnols rageurs et méchants. J’ai aussi vu successeurs sur le moral. Il est décidé la
des coups de crosse aux approches de création du conseil de direction comprenant
chantiers dans le camp.
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