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érieur ? Comment vit-il cette Vous étiez donc partie d’Avignonet sans vous
contradiction ? On peut le savoir grâce à la douter de ce qu’était pour nous, pour moi, la
correspondance privée du lieutenant-colonel terrible journée d’hier.
Jean Desazars de Montgailhard, commandant Je n’ai eu qu’une consolation, l’attitude
le régiment du 2e Hussards de Tarbes. Avant magnifique de mes cadres et de mes hommes,
de passer en Espagne et de revenir en France dont le moral en mes seuls huit jours de
pour y mourir à la tête de son régiment, aux commandement avait été transformé.
portes de Montbéliard, cet homme est Je demeure seul à Tarbes avec quatre de mes
confronté à une amère solitude lorsque officiers pour “ liquider ” mon beau régiment.
l’armée d’armistice est dissoute après J’ai été à la hauteur, je le sais par mes
l’invasion de la zone sud par les Allemands. Il s/officiers mais que de larmes je n’ai pu
fait partie de ceux qui ont cru que cette armée retenir dans ma solitude.
était l’instrument de la revanche contre Ne me dites rien dans vos lettres, je vous le
l’occupant. La première lettre à se femme, demande. Je saurai bien tout de même ce que
d’une sobre émotion, témoigne d’un vous pensez. Je vais m’installer dans ma
déchirement intime. chambre en ville que me cherchent des amis,
ne pouvant plus rester au quartier, ne voulant
Le 27 nov. 1942 plus subir la promiscuité que vous devinez à
Chérie, l’hôtel. Dès demain, je n’aurai plus le droit de
La plus horrible journée de mon existence. me mettre en tenue.
Je reçois le sourire de la lettre de mon William Mon pauvre Jacques aura par ma faute (je
au milieu de ce déchirement. n’avais il est vrai jamais osé supposer pareil
J’ignore encore quel sera le sort des officiers. abandon) assisté à cette horrible capitulation.
Qu’importe à côté de ce désastre. Je suis consterné.
Jacques va rentrer à la maison. J’attends ma mère avec joie mercredi.
Tendresses infinies. Je vous embrasse tendrement.
Jean Jean
Le lendemain, son épouse reçoit une deuxième Le lieutenant-colonel procède donc à la
lettre dans laquelle son mari en dit un peu plus “ liquidation ” de son régiment, la mort dans
sur son paysage moral et sur ses projets. Les l'âme. Son dernier geste de commandant du 2e
mots sont plus que des mots. Ils remisent Hussards est une lettre manuscrite, datée du 7
l’uniforme et laisse surgir l’homme qui avoue décembre 1943 dans laquelle il en dit un peu
des larmes. Ces mots sont durs : “ abandon ”, plus sur ses sentiments et ses projets
“ capitulation ”... Ils soulignent politiques. Il décide de rompre, publiquement,
l’incompréhension, la consternation que avec le gouvernement officiel de la France.
suscite chez ce militaire une décision politique
qu’il condamne intimement. C’est un langage Tarbes, le 7 décembre 1942
de rupture qui consacre, en fait, un long A mes Officiers,
processus de distanciation à l’endroit du Nous avons obéi aux ordres du Maréchal
régime de Vichy. jusqu'au sacrifice le plus dur. La honte qui
nous a été imposée ne saurait demeurer sur
Tarbes le 28 nov. 1942 notre étendard. L'emprise de l'ennemi se
Chérie, resserre ; les possibilités pour nous de
Je reçois à l’instant votre dépêche apportée reprendre les armes sur le sol de France
de l’hôtel au quartier que je n’ai pas quitté. s'évanouissent. Demain, peut-être, je ne serai
plus libre. Le colonel du 2e Hussards ne se rend
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contradiction ? On peut le savoir grâce à la douter de ce qu’était pour nous, pour moi, la
correspondance privée du lieutenant-colonel terrible journée d’hier.
Jean Desazars de Montgailhard, commandant Je n’ai eu qu’une consolation, l’attitude
le régiment du 2e Hussards de Tarbes. Avant magnifique de mes cadres et de mes hommes,
de passer en Espagne et de revenir en France dont le moral en mes seuls huit jours de
pour y mourir à la tête de son régiment, aux commandement avait été transformé.
portes de Montbéliard, cet homme est Je demeure seul à Tarbes avec quatre de mes
confronté à une amère solitude lorsque officiers pour “ liquider ” mon beau régiment.
l’armée d’armistice est dissoute après J’ai été à la hauteur, je le sais par mes
l’invasion de la zone sud par les Allemands. Il s/officiers mais que de larmes je n’ai pu
fait partie de ceux qui ont cru que cette armée retenir dans ma solitude.
était l’instrument de la revanche contre Ne me dites rien dans vos lettres, je vous le
l’occupant. La première lettre à se femme, demande. Je saurai bien tout de même ce que
d’une sobre émotion, témoigne d’un vous pensez. Je vais m’installer dans ma
déchirement intime. chambre en ville que me cherchent des amis,
ne pouvant plus rester au quartier, ne voulant
Le 27 nov. 1942 plus subir la promiscuité que vous devinez à
Chérie, l’hôtel. Dès demain, je n’aurai plus le droit de
La plus horrible journée de mon existence. me mettre en tenue.
Je reçois le sourire de la lettre de mon William Mon pauvre Jacques aura par ma faute (je
au milieu de ce déchirement. n’avais il est vrai jamais osé supposer pareil
J’ignore encore quel sera le sort des officiers. abandon) assisté à cette horrible capitulation.
Qu’importe à côté de ce désastre. Je suis consterné.
Jacques va rentrer à la maison. J’attends ma mère avec joie mercredi.
Tendresses infinies. Je vous embrasse tendrement.
Jean Jean
Le lendemain, son épouse reçoit une deuxième Le lieutenant-colonel procède donc à la
lettre dans laquelle son mari en dit un peu plus “ liquidation ” de son régiment, la mort dans
sur son paysage moral et sur ses projets. Les l'âme. Son dernier geste de commandant du 2e
mots sont plus que des mots. Ils remisent Hussards est une lettre manuscrite, datée du 7
l’uniforme et laisse surgir l’homme qui avoue décembre 1943 dans laquelle il en dit un peu
des larmes. Ces mots sont durs : “ abandon ”, plus sur ses sentiments et ses projets
“ capitulation ”... Ils soulignent politiques. Il décide de rompre, publiquement,
l’incompréhension, la consternation que avec le gouvernement officiel de la France.
suscite chez ce militaire une décision politique
qu’il condamne intimement. C’est un langage Tarbes, le 7 décembre 1942
de rupture qui consacre, en fait, un long A mes Officiers,
processus de distanciation à l’endroit du Nous avons obéi aux ordres du Maréchal
régime de Vichy. jusqu'au sacrifice le plus dur. La honte qui
nous a été imposée ne saurait demeurer sur
Tarbes le 28 nov. 1942 notre étendard. L'emprise de l'ennemi se
Chérie, resserre ; les possibilités pour nous de
Je reçois à l’instant votre dépêche apportée reprendre les armes sur le sol de France
de l’hôtel au quartier que je n’ai pas quitté. s'évanouissent. Demain, peut-être, je ne serai
plus libre. Le colonel du 2e Hussards ne se rend
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