Notre équipe scientifique et technique
Josette DURRIEU
Parlementaire honoraire
Experte du Conseil de l’Europe
Yoan RUMEAU – Président Association ILPE
Professeur agrégé d’Histoire
Maire d’Aventignan (grottes de Gargas)
Robert BELOT – Président Comité scientifique
Professeur d’histoire contemporaine
à l’université Jean Monnet
Contexte historique et culturel du thème de l’itinéraire
La première difficulté des évadés à intégrer la mémoire collective vient d’une certaine image liée à l’expatriation, à l’exil. Pour ce qui concerne la France, il y a une idée assez communément admise selon laquelle la Résistance « intérieure » jouirait d'une légitimité et d'une pureté d'intention que ne saurait revendiquer la Résistance « extérieure », comme si le mot « Résistance » ne pouvait s'appliquer au combat mené de Londres et d'Alger, « épisode d'une guerre traditionnelle. » Cette opinion, relevant plus de considérations politiques qu’historiques, était répandue. Il est temps de rétablir les perspectives. Tel est le sens profond de notre projet. Il faut consacrer l’idée que l’expatriation par les Pyrénées témoigne d’une claire volonté de lutter contre l’Europe anti-démocratique. C’est d’ailleurs bien ainsi que Franco l’a considérée, même si sa politique, grâce aux pressions anglo-américaines à partir de novembre 1942, a été finalement de laisser passer après une période d’internement.
La deuxième difficulté des évadés à faire mémoire vient de ce que nous sommes en présence d’un phénomène éclaté, d’un flux de population désencadré et désinstitutionnalisé, produit de micro-décisions qui, sans concertation, sans plan d'ensemble. Cette spécificité, un ancien candidat à l'évasion, inventeur du « Chant des Partisans », l'avait entrevue intuitivement et lyriquement vingt ans après la Libération. Maurice Druon, invité par un groupement d'ex-évadés, se félicitait de cette initiative qui permettait enfin de « mettre face à face, de placer côte à côte tant de frères de coeur, de décision et d'épreuve qui, jusque-là, forcément, s'ignoraient ». Et il posait la question qui est au coeur de notre projet : pour quelle ultime raison « tous ces gestes divers, héroïques ou quotidiens, toutes ces actions, éclatantes ou secrètes » ont-ils pu se transformer en un mouvement collectif ? La création d’un Itinéraire culturel européen sera, pour la première fois, une manière de reconnaissance et d’incarnation de ce mouvement.
La troisième difficulté vient des pays que les évadés devaient traverser : les régimes de l’Espagne et du Portugal étaient des dictatures favorables à l’Axe (bien que non-belligérants). C’est pourquoi les évadés connurent la prison et diverses formes de confinement, leur libération ayant été liée à la pression des gouvernements anglais et américains. Le contexte mémoriel évolue. On assiste à un regain d’intérêt ces dernières années. En Espagne, la Diputacio de Lleida a pris l’initiative du programme « Perseguits i Salvats » dès 2015 : aménagement de la prison de Sort en centre d’interprétation et balisage de sept itinéraires avec mise en place d’une signalétique historique et d’une documentation traduite en plusieurs langues. Un monument « Murmuration », sur la « route de la liberté », a été inauguré à Seilhan en 2024. En 2021, l’ancien maire de Lisbonne fait installer un médaillon sur le Miradouro São Pedro (entre Principe Real et Chiado) représentant Jean Moulin et commémorant son passage à Lisbonne à l’automne 1941 (un de nos itinéraires est dédié à héros assassiné en 1943). Des mémoires oubliées refont surface. C’est le cas du 11 Dossier de certification – Cycle de certification des Itinéraires culturels du Conseil de l’Europe 2024-2025 monument, inauguré en 2012 à Gibraltar en hommage aux Gibraltariens évacués pendant la Seconde Guerre mondiale et envoyés au Maroc, à Madère, en Jamaïque, en Irlande du Nord et en Angleterre. Autre exemple en France : pour rappeler le rôle des passeurs, sous-représentés dans la mémoire collective, une stèle a été érigée en 2002 dans la commune de Marignac et un sentier balisé vient d’être créé qui aura pour point d'arrivée Bausen, dans le Val d'Aran, ceci dans le cadre de la coopération transfrontalière franco-espagnole.