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sse. Le père y fait allusion à un message 12. « Mañana » ! « Mañana » !
codé d’une carte que son fils expédiée de « Mañana » !
Miranda, et dont nous avons parlée dans la
première partie. Ce qui frappe à la lecture des carnets intimes
des détenus, c’est le souci de l’enregistrement
Sevran, 18 juin 1945. factuel, alors même qu’il ne se passe
Cher Robert, quasiment rien qui soit susceptible de briser la
Il y a aujourd’hui deux ans, je rentrais à la monotonie de l’étirement des journées ! Or
maison bien triste, tu venais me dire au revoir c’est justement dans ces conditions que le
à l’escalier du métro de la petite gare, presque rien (pour nous, lecteurs
quelques jours après tu nous écrivais ceci : de d’aujourd’hui) fait figure pour eux
Port Vendres, à l’hôtel des Arcades, c’est faux, d’événement. L’homme, plus que la nature, a
je n’ai rien trouvé, mais j’ai une autre adresse, horreur du vide… D’où un taux de créativité en
et j’aurai des réponses ce soir. Je pensais bien matière de “ bobards ” exceptionnel. En outre,
avoir d’autres nouvelles par la suite de par ton le fait même de noter l’insignifiant et le
guide. Puis, plus rien, alors le cafard m’a pris répétitif est une manière, ainsi que me l’ont
et plusieurs fois je me suis mis en tête d’aller confié certains, de se constituer une obligation
à Port-Vendres, pour y trouver ta trace. Ne quotidienne, un repère qui permet de se
sachant plus où tu étais, je tâchais de savoir si prémunir contre l’inanité et la vacuité des
d’autres étaient passés, et quand j’entendais jours et un « demain » qui n’arrive pas.
dire (« il y a eu 7 tués », ou « il y a eu pas mal
d’arrestations », « des guides donnent les Bizarrement, il est assez rare que l’on trouve
Français aux Boches pour toucher une dans cette littérature de l’intime, absorbée par
deuxième prime » etc…), je me demandais si les petites choses de la vie concentrationnaire,
tu n’étais pas dans ceux-là. de hautes envolées politiques et de grands
serments patriotiques. Le sens patriotique et
Enfin, quand quelques mois plus tard, nous la volonté de combattre semblent aller de soi.
avons reçu une carte de Miranda qui n’était Pourquoi s’en convaincre soi-même ? Par
pas de ta main, nous avons quand même cru contre, c’est quand il faut convaincre les
qu’elle venait de toi, car personne ne nous autorités dissidentes françaises de l’urgence
connaissait en Espagne, et nous n’avions rien d’une libération que l’interné donne de la voix
dit à personne, c’était dur, crois-le, de souffrir et fait résonner les grands principes ! Une des
moralement et de ne pouvoir se confier et raisons de ce silence vient aussi du fait que
épancher son cœur à personne, ne sachant à l’interné est coupé de l’information externe
qui on avait affaire. Plus tard encore d’autres (militaire ou politique) qui pourrait provoquer
nouvelles nous sont parvenues et cette fois de sa réaction. Sauf lorsque de nouveaux
ta main, et nous y avons lu : « je poursuis “ arrivants ” sont porteurs de nouvelles
lentement ma route vers l’Afrique ». Nous fraîches, comme un combattant de la Bataille
avons compris et nous étions rassurés. Mais à de Tunisie fait prisonnier qui a réussi à
ce sujet, tu ne nous a jamais dit comment tu s’échapper. Ou lorsqu’une célébration
as ce guide, était-il français ou étranger, n’as- nationale (le 14 juillet ou le 11 novembre) vient
tu pas eu peur avec lui, avais-tu confiance en rappeler le sens de sa présence dans les geôles
lui, t’a-t-il pris cher et en as-tu été remboursé franquistes.
à ton arrivée à Casa ?
Mardi 13 juillet.
Aujourd’hui, arrivée de 20 nouveaux, dont
deux Toulousains, qui m’apprennent que
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codé d’une carte que son fils expédiée de « Mañana » !
Miranda, et dont nous avons parlée dans la
première partie. Ce qui frappe à la lecture des carnets intimes
des détenus, c’est le souci de l’enregistrement
Sevran, 18 juin 1945. factuel, alors même qu’il ne se passe
Cher Robert, quasiment rien qui soit susceptible de briser la
Il y a aujourd’hui deux ans, je rentrais à la monotonie de l’étirement des journées ! Or
maison bien triste, tu venais me dire au revoir c’est justement dans ces conditions que le
à l’escalier du métro de la petite gare, presque rien (pour nous, lecteurs
quelques jours après tu nous écrivais ceci : de d’aujourd’hui) fait figure pour eux
Port Vendres, à l’hôtel des Arcades, c’est faux, d’événement. L’homme, plus que la nature, a
je n’ai rien trouvé, mais j’ai une autre adresse, horreur du vide… D’où un taux de créativité en
et j’aurai des réponses ce soir. Je pensais bien matière de “ bobards ” exceptionnel. En outre,
avoir d’autres nouvelles par la suite de par ton le fait même de noter l’insignifiant et le
guide. Puis, plus rien, alors le cafard m’a pris répétitif est une manière, ainsi que me l’ont
et plusieurs fois je me suis mis en tête d’aller confié certains, de se constituer une obligation
à Port-Vendres, pour y trouver ta trace. Ne quotidienne, un repère qui permet de se
sachant plus où tu étais, je tâchais de savoir si prémunir contre l’inanité et la vacuité des
d’autres étaient passés, et quand j’entendais jours et un « demain » qui n’arrive pas.
dire (« il y a eu 7 tués », ou « il y a eu pas mal
d’arrestations », « des guides donnent les Bizarrement, il est assez rare que l’on trouve
Français aux Boches pour toucher une dans cette littérature de l’intime, absorbée par
deuxième prime » etc…), je me demandais si les petites choses de la vie concentrationnaire,
tu n’étais pas dans ceux-là. de hautes envolées politiques et de grands
serments patriotiques. Le sens patriotique et
Enfin, quand quelques mois plus tard, nous la volonté de combattre semblent aller de soi.
avons reçu une carte de Miranda qui n’était Pourquoi s’en convaincre soi-même ? Par
pas de ta main, nous avons quand même cru contre, c’est quand il faut convaincre les
qu’elle venait de toi, car personne ne nous autorités dissidentes françaises de l’urgence
connaissait en Espagne, et nous n’avions rien d’une libération que l’interné donne de la voix
dit à personne, c’était dur, crois-le, de souffrir et fait résonner les grands principes ! Une des
moralement et de ne pouvoir se confier et raisons de ce silence vient aussi du fait que
épancher son cœur à personne, ne sachant à l’interné est coupé de l’information externe
qui on avait affaire. Plus tard encore d’autres (militaire ou politique) qui pourrait provoquer
nouvelles nous sont parvenues et cette fois de sa réaction. Sauf lorsque de nouveaux
ta main, et nous y avons lu : « je poursuis “ arrivants ” sont porteurs de nouvelles
lentement ma route vers l’Afrique ». Nous fraîches, comme un combattant de la Bataille
avons compris et nous étions rassurés. Mais à de Tunisie fait prisonnier qui a réussi à
ce sujet, tu ne nous a jamais dit comment tu s’échapper. Ou lorsqu’une célébration
as ce guide, était-il français ou étranger, n’as- nationale (le 14 juillet ou le 11 novembre) vient
tu pas eu peur avec lui, avais-tu confiance en rappeler le sens de sa présence dans les geôles
lui, t’a-t-il pris cher et en as-tu été remboursé franquistes.
à ton arrivée à Casa ?
Mardi 13 juillet.
Aujourd’hui, arrivée de 20 nouveaux, dont
deux Toulousains, qui m’apprennent que
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