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te, et mon père s'est remarié avec une France et en Espagne- et bien des
Française du même pays que lui (Bayonne). découragements. Le 11 mars 1942, il se
Ma vraie mère est indochinoise. morfond à Miranda. L'idée lui vient d'écrire à
Malheureusement, je n'ai pas connu les cette énigmatique et inaccessible demoiselle
caresses d'une mère mais j'étais chez un frère anglaise pour lui confier ses états d'âme, son
à mon père à Bayonne et ma tante m'aimait “ cafard ”, comme on le ferait avec une mère.
beaucoup. Quand j'aurai 21 ans, moi aussi, je
retournerai en Indochine à Saïgon pour Figurez-vous que j'ai de gros embêtements...
travailler avec mon père. J'aurais bien voulu et un début de cafard... En temps ordinaire,
devenir ingénieur mécanicien comme mon ma mère serait au courant. En temps
père, mais maintenant, j'ai quitté les études. extraordinaire, ce sera vous, ma maman
[...] adoptive. Sachez, chère Miss, que depuis le 2
août 1940, j'ai à mon actif 17 mois de prison,
La lettre de Henri H., rédigée à Gibraltar, est tant en France qu'en Espagne. Sachez que
construite entièrement sur le thème de la c'est la troisième fois que je reviens dans ce
figure maternelle à laquelle est associée Miss pays de désolation et de misère, guidée par
Moore. H. a eu l'occasion de rencontrer mon seul patriotisme et mon seul désir de
l'illustre inconnue à Madrid, au moment de faire aux boches tout le mal en mon pouvoir.
son transfert pour le Rocher, et il semble Savez-vous que cette fois-ci, je suis arrêté en
désormais que le regard de compassion qu'il a Espagne depuis le 28 avril 1941 ? Savez-vous
saisi en elle vienne donner un sens nouveau à que je suis au camp depuis le 7 novembre ?
son aventure. Aujourd'hui, départ en masse. Je ne suis pas
dans ce départ... [...]
[...] La noblesse de votre générosité se reflète
dans votre regard, pareille que chez une Son tour finit par venir. Le 2 septembre 1942,
maman, et vous êtes bien une petite maman arrivé à bon port en Angleterre, il tient à
adoptive. Qui ne saurait mieux l'éprouver que rendre un dernier hommage à sa “ chère
moi qui en suis privé depuis bien des années. Miss ”, qui lui est apparue, dit-il
Combien je suis content de vous avoir magnifiquement, telle une “ déesse invisible ”.
rencontrée sur mon chemin, car savez-vous,
Chère Mademoiselle, vous avez encore bien J'ai devant moi l'un des rares souvenirs
renforcé mon courage et ma détermination. Si d'Espagne qui me soit agréable : vos lettres. A
je suis venu pour offrir sang et vie à ma Patrie vrai dire, comment ne pas évoquer le temps
et ses alliés, je l'offre avec joie maintenant que lointain où la liberté était une déesse invisible.
je sais que quelqu'un pensera si A cette évocation n'est attachée presque
affectueusement à moi en me considérant aucune amertume, aucun regret ne vient
comme son fils [...]. troubler ce qui reste à l'homme de son passé :
le souvenir. Et pourtant, quand on pense à ce
Quoique je ne suis pas bien calé en camp de concentration, à ces baraques, à ces
composition, je sais que vous me comprenez camarades qu'on a connus, à ces journées
quand même [...]. Je vous vois d'ici lire ces passées sur la “ promenade des Anglais ” et
lignes que je suis en train d'écrire et je crois dans les “ quarteros ” rendus un peu plus
voir refléter cette lueur de plaisir dans votre propres et plus accueillants par la bonne
regard. volonté et l'ingéniosité de chacun, quand on
pense à ces veillées passées au coin des feux,
Le résistant Richard L., alias “ Richard à l'arrivée périodique du consul, aux colis qu'il
Whrite ”, a subi de longs internements –en apportait, quand on pense à vos lettres enfin...
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Française du même pays que lui (Bayonne). découragements. Le 11 mars 1942, il se
Ma vraie mère est indochinoise. morfond à Miranda. L'idée lui vient d'écrire à
Malheureusement, je n'ai pas connu les cette énigmatique et inaccessible demoiselle
caresses d'une mère mais j'étais chez un frère anglaise pour lui confier ses états d'âme, son
à mon père à Bayonne et ma tante m'aimait “ cafard ”, comme on le ferait avec une mère.
beaucoup. Quand j'aurai 21 ans, moi aussi, je
retournerai en Indochine à Saïgon pour Figurez-vous que j'ai de gros embêtements...
travailler avec mon père. J'aurais bien voulu et un début de cafard... En temps ordinaire,
devenir ingénieur mécanicien comme mon ma mère serait au courant. En temps
père, mais maintenant, j'ai quitté les études. extraordinaire, ce sera vous, ma maman
[...] adoptive. Sachez, chère Miss, que depuis le 2
août 1940, j'ai à mon actif 17 mois de prison,
La lettre de Henri H., rédigée à Gibraltar, est tant en France qu'en Espagne. Sachez que
construite entièrement sur le thème de la c'est la troisième fois que je reviens dans ce
figure maternelle à laquelle est associée Miss pays de désolation et de misère, guidée par
Moore. H. a eu l'occasion de rencontrer mon seul patriotisme et mon seul désir de
l'illustre inconnue à Madrid, au moment de faire aux boches tout le mal en mon pouvoir.
son transfert pour le Rocher, et il semble Savez-vous que cette fois-ci, je suis arrêté en
désormais que le regard de compassion qu'il a Espagne depuis le 28 avril 1941 ? Savez-vous
saisi en elle vienne donner un sens nouveau à que je suis au camp depuis le 7 novembre ?
son aventure. Aujourd'hui, départ en masse. Je ne suis pas
dans ce départ... [...]
[...] La noblesse de votre générosité se reflète
dans votre regard, pareille que chez une Son tour finit par venir. Le 2 septembre 1942,
maman, et vous êtes bien une petite maman arrivé à bon port en Angleterre, il tient à
adoptive. Qui ne saurait mieux l'éprouver que rendre un dernier hommage à sa “ chère
moi qui en suis privé depuis bien des années. Miss ”, qui lui est apparue, dit-il
Combien je suis content de vous avoir magnifiquement, telle une “ déesse invisible ”.
rencontrée sur mon chemin, car savez-vous,
Chère Mademoiselle, vous avez encore bien J'ai devant moi l'un des rares souvenirs
renforcé mon courage et ma détermination. Si d'Espagne qui me soit agréable : vos lettres. A
je suis venu pour offrir sang et vie à ma Patrie vrai dire, comment ne pas évoquer le temps
et ses alliés, je l'offre avec joie maintenant que lointain où la liberté était une déesse invisible.
je sais que quelqu'un pensera si A cette évocation n'est attachée presque
affectueusement à moi en me considérant aucune amertume, aucun regret ne vient
comme son fils [...]. troubler ce qui reste à l'homme de son passé :
le souvenir. Et pourtant, quand on pense à ce
Quoique je ne suis pas bien calé en camp de concentration, à ces baraques, à ces
composition, je sais que vous me comprenez camarades qu'on a connus, à ces journées
quand même [...]. Je vous vois d'ici lire ces passées sur la “ promenade des Anglais ” et
lignes que je suis en train d'écrire et je crois dans les “ quarteros ” rendus un peu plus
voir refléter cette lueur de plaisir dans votre propres et plus accueillants par la bonne
regard. volonté et l'ingéniosité de chacun, quand on
pense à ces veillées passées au coin des feux,
Le résistant Richard L., alias “ Richard à l'arrivée périodique du consul, aux colis qu'il
Whrite ”, a subi de longs internements –en apportait, quand on pense à vos lettres enfin...
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