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es tout près de moi, puisqu’avec toi je ou humoristique, par exemple lorsque l’autre
pense se compare tour à tour à Apollon et à une
limace, et voit sa chère comme un chou à la
En te disant “ Je t’aime ” sur les plus douces crème…
gammes.
On ne sera pas étonné que, Espagne oblige, les Le fol épris
internés font souvent ce rêve familier de jolies
et onctueuses Andalouses pour échapper au Vous ne pouvez savoir combien grande fut
morne horizon de la prison. Les internés ont ma joie
une vie fantasmatique intense, qui apparaît
rarement sur le papier. Et pourtant, des corps Lorsque je reçus ce mot écrit de votre main
de femmes occupent les esprits, autant que la Vous ne pouvez savoir avec quel émoi
patrie. Voici, par exemple, ce rêve de danseuse
espagnole. Mes yeux parcoururent ces mots : à demain
Mes mains tremblèrent ; mon cœur battit
C’est une fille brune, ainsi le veut la race. Et aujourd’hui je vous vois jeune et jolie.
De très longs cheveux noirs assombrissent sa
Acceptez, je vous prie
face Ce modeste bouquet
Qui, déjà basanée et ornée de pendants, Qu’offre votre serviteur
S’illumine d’un rire en laissant voir ses dents ;
A l’heure
Et ses grands yeux de jais, avec Où bat son cœur.
effervescence, Quel misérable remerciement
Ces fleurs qu’hier je cueillis
Reflètent tous les feux de la réjouissance. Dans le jardin public
Son corps est aminci d’une robe écarlate Tout près du monument
Qui descend à ses pieds ; sous chaque note A vos pieds que j’adore
Je les dépose sincèrement
mate Sans arrière-pensée aucune
Du bois des castagnettes qu’agitent ses Comme Apollon le ferait
S’il rencontrait la lune
doigts fins Avec elles je dépose mes respects
Lestement il frétille ; ses bras, tels des Qui rempliraient
Force tombereaux
serpentins, Que je vous apporterais
Evoluent avec grâce au-dessus de sa tête Si j’avais des chevaux
Rythmant joyeusement le chaos de la fête. Plût à Dieu que je vous rencontrasse
Moi docile comme une limace
Avant de vivre la rencontre décisive avec L’autre jour au cinéma
Lucienne, qui deviendra sa femme une fois la Près de la rue Marcel Sembat
guerre gagnée, Robert B. nourrira des espoirs A vous je pense depuis ce jour
de conquête à Casablanca, au tout début de Qui fit naître en moi l’amour
l’année 1944. Mais ces espoirs feront long feu Que j’ai pour vous maintenant
(pour filer la métaphore militaire Qui durera éternellement
particulièrement adaptée ici…). Econduit, le Vous ressemblez, c’est étrange
versificateur ne peut s’empêcher de raconter A un chou à la crème
la tristesse qui a été la sienne, en évoquant Mais je ne veux pas qu’on le mange
très sincèrement les affres de l’homme humilié Puisque c’est moi seul qui vous dîne
par le refus de l’autre. Vers sans prétention, Pour vous je vis, je vois, je respire
qui n’échappent pas aux poncifs du genre, Pour vous j’irais au bout du monde
mais vers pleins d’une désarmante sincérité,
agrémentée çà et là d’une touche provocatrice
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pense se compare tour à tour à Apollon et à une
limace, et voit sa chère comme un chou à la
En te disant “ Je t’aime ” sur les plus douces crème…
gammes.
On ne sera pas étonné que, Espagne oblige, les Le fol épris
internés font souvent ce rêve familier de jolies
et onctueuses Andalouses pour échapper au Vous ne pouvez savoir combien grande fut
morne horizon de la prison. Les internés ont ma joie
une vie fantasmatique intense, qui apparaît
rarement sur le papier. Et pourtant, des corps Lorsque je reçus ce mot écrit de votre main
de femmes occupent les esprits, autant que la Vous ne pouvez savoir avec quel émoi
patrie. Voici, par exemple, ce rêve de danseuse
espagnole. Mes yeux parcoururent ces mots : à demain
Mes mains tremblèrent ; mon cœur battit
C’est une fille brune, ainsi le veut la race. Et aujourd’hui je vous vois jeune et jolie.
De très longs cheveux noirs assombrissent sa
Acceptez, je vous prie
face Ce modeste bouquet
Qui, déjà basanée et ornée de pendants, Qu’offre votre serviteur
S’illumine d’un rire en laissant voir ses dents ;
A l’heure
Et ses grands yeux de jais, avec Où bat son cœur.
effervescence, Quel misérable remerciement
Ces fleurs qu’hier je cueillis
Reflètent tous les feux de la réjouissance. Dans le jardin public
Son corps est aminci d’une robe écarlate Tout près du monument
Qui descend à ses pieds ; sous chaque note A vos pieds que j’adore
Je les dépose sincèrement
mate Sans arrière-pensée aucune
Du bois des castagnettes qu’agitent ses Comme Apollon le ferait
S’il rencontrait la lune
doigts fins Avec elles je dépose mes respects
Lestement il frétille ; ses bras, tels des Qui rempliraient
Force tombereaux
serpentins, Que je vous apporterais
Evoluent avec grâce au-dessus de sa tête Si j’avais des chevaux
Rythmant joyeusement le chaos de la fête. Plût à Dieu que je vous rencontrasse
Moi docile comme une limace
Avant de vivre la rencontre décisive avec L’autre jour au cinéma
Lucienne, qui deviendra sa femme une fois la Près de la rue Marcel Sembat
guerre gagnée, Robert B. nourrira des espoirs A vous je pense depuis ce jour
de conquête à Casablanca, au tout début de Qui fit naître en moi l’amour
l’année 1944. Mais ces espoirs feront long feu Que j’ai pour vous maintenant
(pour filer la métaphore militaire Qui durera éternellement
particulièrement adaptée ici…). Econduit, le Vous ressemblez, c’est étrange
versificateur ne peut s’empêcher de raconter A un chou à la crème
la tristesse qui a été la sienne, en évoquant Mais je ne veux pas qu’on le mange
très sincèrement les affres de l’homme humilié Puisque c’est moi seul qui vous dîne
par le refus de l’autre. Vers sans prétention, Pour vous je vis, je vois, je respire
qui n’échappent pas aux poncifs du genre, Pour vous j’irais au bout du monde
mais vers pleins d’une désarmante sincérité,
agrémentée çà et là d’une touche provocatrice
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