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mas Ferrer • Le “front-tiers” pyrénéen 361

trahison, il faut signaler plusieurs vérités attestées. Tout d’abord, si cette activi-
té a pu nourrir quelques récits fantasmatiques, c’est en partie lié à sa dimension
clandestine. Pour différents passeurs, ce n’était que le prolongement de la contre-
bande ou du braconnage108. Par ailleurs, un autre point est souvent au cœur de la
mythologie apologétique des passeurs ou à l’inverse de leur diabolisation accu-
satrice : la question de la rémunération. Certains passeurs occasionnels ne sou-
haitaient pas être payés109. Mais la majorité d’entre eux, étant donné les risques,
et parfois, l’abandon partiel ou total de leurs activités professionnelles, ont perçu
des indemnités versées par les services secrets alliés, ou directement, par les per-
sonnes à convoyer110.

Dans un cas comme dans l’autre, les sommes avoisinaient les 10 000 francs
de l’époque sachant que le salaire mensuel moyen d’un ouvrier oscille alors en
France entre 1 500 et 2 000 francs111. Mais dans certains cas, des passeurs, de-
vinant la situation d’urgence des « colis » convoyés ou supposant qu’ils accom-
pagnent des personnes très fortunées, n’hésitent pas à faire monter les prix jusqu’à
50 000 francs ou plus112. Toutefois, il apparaît que les passeurs affiliés à des ré-
seaux constitués, d’autant plus lorsqu’ils sont reliés aux services de renseignement
et d’action tels le SOE, le BCRA ou l’OSS sont généralement très fiables. Les res-
ponsables de ces organisations sont en effet particulièrement prudents au moment
du recrutement de ces agents qui jouent un rôle primordial. De plus, les passeurs
connaissent le fonctionnement, par bien des aspects militaires, de ces réseaux. Ils
savent donc que toute trahison entraînera pour eux des conséquences funestes…

Ainsi, c’est surtout parmi les passeurs occasionnels, les « passeurs d’oppor-
tunité » que l’on trouve la plupart des escrocs qui abandonnent, trahissent ou dé-
pouillent leurs « clients ». Le tableau comme souvent n’est donc ni tout blanc, ni
tout noir, il est gris et plutôt gris clair113. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les
passeurs eux-mêmes ont payé un lourd tribut puisque sur les 2500 passeurs ou

108 Edward Stourton, Le chemin de la liberté. Échapper à Hitler à travers les Pyrénées,
Ixelles, 2013, p. 247-264.

109 Thomas Ferrer, op. cit., p. 137.
110 Émilienne Eychenne, op. cit., p. 147-151.
111 Annie Rieu-Mias, op. cit., p. 47 et Émilienne Eychenne, op. cit., p. 150-151.
112 Thomas Ferrer, op. cit., p. 136-137.
113 Émilienne Eychenne, Montagnes de la peur et de l’espérance, Privat, 1980, p. 52. et

Thomas Ferrer, op. cit., p. 139.
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