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mas Ferrer • Le “front-tiers” pyrénéen 359

font passer pour des Canadiens, Belges, Australiens ou Anglais96. Les ambas-
sades de ces pays sont en effet les plus actives et efficaces pour les faire libérer
durant la première partie du conflit.

Toutefois, comme nous l’avons signalé, les libérations s’accélèrent à partir de
1942-1943, la « bissectrice » de la guerre, selon l’expression d’Henri Michel. En
effet, les perspectives de victoire finale s’éloignent pour les nazis, avec leurs pre-
mières défaites sur tous les fronts. Par ailleurs, les marges de manœuvre des ser-
vices français s’accroissent, avec le débarquement des Alliés en Afrique du Nord,
l’arrivée du général de Gaulle à Alger en mai 1943 et la réorganisation des ser-
vices de renseignement. Tous ces événements, à des degrés divers, entraînent
l’inflexion diplomatique du régime franquiste en faveur des Alliés97.

Si Franco s’est illustré pendant la Seconde Guerre mondiale par un jeu poli-
tique retors qui lui permettra de se maintenir au pouvoir par la suite, il apparaît
que les questions politiques ne sont pas absentes non plus de l’histoire des ser-
vices de renseignement durant la Seconde Guerre mondiale. Les tensions entre
les services anglais et français sont bien connues98, tout comme les divergences
entre le BCRA basé à Londres et les mouvements et réseaux présents en France99,
sans compter les rivalités entre giraudistes et gaullistes100.

Georges Loustanau-Lacau dit Navarre, fondateur du réseau Alliance, fut
en partie victime de ces intrigues nébuleuses. Recrutant dans les services de
contre-espionnage de Vichy, proches d’anciens cagoulards101 avérés ou supposés,
devenus agents du BCRA comme Maurice Duclos ou Pierre Fourcaud102, il fait
face à une grande méfiance de la part du général de Gaulle et se rapproche de l’IS
en 1941. Par la suite, le réseau sous la direction de Marie-Madeleine Fourcade
passe sous contrôle giraudiste et conservera une forme d’autonomie vis-à-vis des

96 François Broche, Georges Caïtucoli, Jean-François Muracciole (dir.), La France au
combat. De l’appel du 18 juin à la victoire, Perrin, 2007, p. 770.

97 Ibid. p. 772-776.
98 Cf. Sébastien Albertelli, op. cit., p. 251-277.
99 Cf. Olivier Wieviorka, Histoire de la Résistance. 1940-1945, Perrin, 2013, p. 180-225.
100 Cf. Sébastien Albertelli, op. cit., p. 293-317.
101 La Cagoule est une organisation politique, paramilitaire et terroriste d’extrême-droite très

active dans les années 1930 et responsable par exemple de l’assassinat des frères Rosselli,
réfugiés et militants italiens antifascistes.
102 Sébastien Laurent, « Les services secrets gaullistes à l’épreuve de la politique (1940-
1947) », Politix, vol. 14, n°54, 2001. p. 148.
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