Page 38 - My FlipBook
P. 38
on laquelle les premiers pensionnaires de ce encore au groupe français à Miranda des gens
camp, désespérés de ne pas trouver d’écho qui y sont internés depuis plus de deux ans. Un
chez les gaullistes, décident de guerre lasse de nommé C. qui totalisait ses deux années
retourner en France. On y apprend aussi qu’il d'internement a été libéré tout dernièrement
existe une volonté marquée de certains [...]. Il est évident qu’il n’a traversé les
candidats gaullistes de ne pas se confondre Pyrénées il y a deux ans que dans l’intention
avec les autres évadés, surtout s’ils professent de se joindre aux FFL. Il n'est pas étonnant que
un point de vue favorable à Giraud à partir de le désespoir les ait gagnés et que, après 6 mois
novembre 1942. Document important en ce de détention, quand les Espagnols leur
qu’il nous invite à ne pas nous laisser aller à offraient de les refouler vers la France, la
une vision trop irénique de ce phénomène grande majorité ait accepté, tout en sachant
résistant. Dans l’adversité, les Français, qu'une fois rentrés ils auraient un ou plusieurs
résistants ou pas, restent des Français… mois de prison à purger. [...]

Le séjour forcé que j'ai fait au camp de En résumé, sur les quatre nationalités
concentration de Miranda m'a fait représentées au camp : les Anglo-Saxons
comprendre pourquoi un plus grand nombre étaient régulièrement libérés, les Belges et les
de mes compatriotes n'avait pas tenté de Polonais largement aidés, les Français étaient
rejoindre les forces alliées en franchissant les totalement délaissés. Ceci est d'autant plus
Pyrénées [...]. Jusqu'au mois de janvier regrettable que les Français internés à
dernier, ceux qui s'étaient déclarés de Miranda avant le 8 novembre 1942 étaient
nationalité française vivaient dans les certainement plus intéressants que la plupart
conditions matérielles et morales les plus de ceux qui s'y trouvent aujourd'hui. Ils
mauvaises. Ne recevant aucune aide, ni étaient animés du patriotisme le plus pur,
d'argent, ni de colis, ils étaient les plus tandis que beaucoup de leurs compatriotes
méprisés par leurs co-internés, les Polonais, et aujourd'hui sont venus se réfugier. Depuis fin
même les Belges. Ils étaient obligés de décembre 1942, leur situation s'est améliorée
s'adonner à n'importe quelle besogne pour ; il est seulement regrettable qu'encore
gagner quelque argent, le “ rancho ” espagnol aujourd'hui les F.F.L. ne contribuent en rien à
étant alors insuffisant. (Ce n'est plus le cas cette amélioration.
aujourd'hui, le menu espagnol étant fonction
de la marche de la guerre.) Les Espagnols Ils reçoivent une aide : de l’argent, un colis,
voyant que personne ne s'intéressait à eux les une bibliothèque a été créée. Les Espagnols
traitaient mal : les coups de cravache n'étaient les ont libérés. Cependant, ils restent sous
pas exceptionnels. Il n'y avait aucune l’autorité de l’ambassade de France, tout au
solidarité qui aurait pu les réconforter : ils moins sous l’autorité des dissidents de
voyaient les Polonais recevoir une aide l’ambassade passés à l’ambassade
supplémentaire grâce à la retenue que les américaine : Monseigneur Boyer-Mas. Pour
officiers polonais combattants faisaient les retirer du camp, on distingue parmi eux
prélever sur leur solde. [...] suivant qu’ils se rallient au général Giraud ou
au général de Gaulle. Ainsi, le chef du groupe
J'ai deux camarades français : André M. et Q. français, M., demandait : “ Etes-vous pour
qui ont passé à Miranda il y a environ deux Giraud ou pour de Gaulle ? ” Ceux qui ont
ans, y ont fait un séjour de 6 mois et m'ont répondu “ gaullistes ” n’ont, sauf exception,
déclaré qu'ils préfèrent n'importe quel sort à pas encore quitté le camp, quoique libérés par
celui qui les mènerait de nouveau à Miranda. les Espagnols. Le colis est amené par la
De plus, aucun espoir de libération. Il y a camionnette de l’ambassade américaine, la

37
   33   34   35   36   37   38   39   40   41   42   43