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ritables salves. Des balles sifflèrent en tous A la fin septembre, un fonctionnaire du
sens. Nous apprîmes le lendemain que les consulat britannique de Madrid vient
Polonais avaient tenté de s'échapper et chercher les Anglais. Michel O’Brady me
avaient échoué. [...] Le lieutenant polonais K. répète encore une fois que, tout affaire
fut tué [...] Après cela, il y eut beaucoup de cessante, il s’occupera d’abord de me faire
réclamations de la part des autorités venir à Londres. Lui et ses camarades sont
diplomatiques. [...] Peu à peu, le régime assez peu nombreux et quittent le camp sous
s’adoucit [...]. Considéré par les autorités la seule garde de leur compatriote du
anglaises comme Canadien, je recevais toutes consulat. Ils vont coucher à l’hôtel, manger au
les semaines un colis et un peu d'argent. [...]. restaurant, voyager en première classe,
Les Anglais m’ont fait savoir qu’il ne fallait pas retrouver une vie normale. Plus tard, en
compter sur eux pour me libération. octobre, ce sera le tour des Belges : Stouff,
André Mali, Henri Bonnet, Ghilissen et
8. Au camp de Miranda s’entassent quelques autres nous quitteront et le camp
Anglais, Français, Polonais, Belges, semblera encore un peu plus triste. Ils
Australiens et « Canadiens » partiront comme les Anglais, sous la seule
garde de leur consul.
Les premiers évadés de France des années
1940 et 1941, ceux du moins qui n’ont pas pu Quant à nous, Français, nous ne recevons
emprunter une filière anglaise, sont aucun message, ni du gouvernement Pétain,
condamnés à végéter en Espagne. Sans ni du gouvernement de la France Libre.
information, sans aide, sans espoir. Leur D’ailleurs, ce dernier existe-t-il vraiment ?
souffrance, outre des conditions de détention Sans journaux, sans radio, les nouvelles nous
très dures, vient principalement du manque parviennent surtout avec les derniers
d’informations et de l’absence de tout contact prisonniers venus de France et nous en
avec la France, que ce soit la France gaulliste sommes réduits à des suppositions. Pourtant,
ou la France officielle. La France d’Alger, pas les Anglais existent bien, eux : voici plus de
plus que la Croix Rouge française de Madrid trois mois que je me suis présenté au 35
(qui en est l’émanation), n’existent pas encore. Rambla Calatuña à Barcelone, ils ont dû avoir
Ils se sentent parfaitement abandonnés. Une le temps de réfléchir à la question ! […] Par
seule solution : l’évasion, mais c’est une contre, les Britanniques se désintéressent
entreprise quasiment impossible, tant les lieux parfaitement des volontaires ayant eu la
d’internement sont bien gardés. On comprend maladresse ou l’honnêteté de se déclarer
pourquoi ils ne peuvent mieux faire, parfois, Français. Et notre gouvernement provisoire de
que de se laisser rapatrier en France par les Londres n’est pas plus diligent : pourquoi ne
soins de l’ambassade de Vichy à Madrid, trop nous écrit-il pas ? Pourquoi n’envoie-t-il pas
contente de ramener dans le droit chemin ces de messager ? La Croix Rouge américaine a
brebis égarées... Cela apparaît clairement bien su nous trouver, elle. Quel mépris ! Ou
dans les cahiers d’un évadé de la première quelle inefficacité !
période : il s’évade de France en septembre
1940 pour se rendre en Angleterre, séjourne A la vérité, nous aussi nous pourrions écrire et
deux mois dans le “ camp de concentration ” - personne n’y songe, faute d’avoir l’adresse
c’est son appellation officielle- de Miranda de d’un destinataire en Angleterre, mais aussi
Ebro pour, de guerre lasse et à contre cœur parce qu’aucune de nos lettres vers la France
devant “ le silence de ceux de Londres ”, se n’a reçu de réponse jusqu’ici. Les propos de
laisser rapatrier en décembre. certains prisonniers sont probablement vrais :
le contre-espionnage espagnol détruit
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sens. Nous apprîmes le lendemain que les consulat britannique de Madrid vient
Polonais avaient tenté de s'échapper et chercher les Anglais. Michel O’Brady me
avaient échoué. [...] Le lieutenant polonais K. répète encore une fois que, tout affaire
fut tué [...] Après cela, il y eut beaucoup de cessante, il s’occupera d’abord de me faire
réclamations de la part des autorités venir à Londres. Lui et ses camarades sont
diplomatiques. [...] Peu à peu, le régime assez peu nombreux et quittent le camp sous
s’adoucit [...]. Considéré par les autorités la seule garde de leur compatriote du
anglaises comme Canadien, je recevais toutes consulat. Ils vont coucher à l’hôtel, manger au
les semaines un colis et un peu d'argent. [...]. restaurant, voyager en première classe,
Les Anglais m’ont fait savoir qu’il ne fallait pas retrouver une vie normale. Plus tard, en
compter sur eux pour me libération. octobre, ce sera le tour des Belges : Stouff,
André Mali, Henri Bonnet, Ghilissen et
8. Au camp de Miranda s’entassent quelques autres nous quitteront et le camp
Anglais, Français, Polonais, Belges, semblera encore un peu plus triste. Ils
Australiens et « Canadiens » partiront comme les Anglais, sous la seule
garde de leur consul.
Les premiers évadés de France des années
1940 et 1941, ceux du moins qui n’ont pas pu Quant à nous, Français, nous ne recevons
emprunter une filière anglaise, sont aucun message, ni du gouvernement Pétain,
condamnés à végéter en Espagne. Sans ni du gouvernement de la France Libre.
information, sans aide, sans espoir. Leur D’ailleurs, ce dernier existe-t-il vraiment ?
souffrance, outre des conditions de détention Sans journaux, sans radio, les nouvelles nous
très dures, vient principalement du manque parviennent surtout avec les derniers
d’informations et de l’absence de tout contact prisonniers venus de France et nous en
avec la France, que ce soit la France gaulliste sommes réduits à des suppositions. Pourtant,
ou la France officielle. La France d’Alger, pas les Anglais existent bien, eux : voici plus de
plus que la Croix Rouge française de Madrid trois mois que je me suis présenté au 35
(qui en est l’émanation), n’existent pas encore. Rambla Calatuña à Barcelone, ils ont dû avoir
Ils se sentent parfaitement abandonnés. Une le temps de réfléchir à la question ! […] Par
seule solution : l’évasion, mais c’est une contre, les Britanniques se désintéressent
entreprise quasiment impossible, tant les lieux parfaitement des volontaires ayant eu la
d’internement sont bien gardés. On comprend maladresse ou l’honnêteté de se déclarer
pourquoi ils ne peuvent mieux faire, parfois, Français. Et notre gouvernement provisoire de
que de se laisser rapatrier en France par les Londres n’est pas plus diligent : pourquoi ne
soins de l’ambassade de Vichy à Madrid, trop nous écrit-il pas ? Pourquoi n’envoie-t-il pas
contente de ramener dans le droit chemin ces de messager ? La Croix Rouge américaine a
brebis égarées... Cela apparaît clairement bien su nous trouver, elle. Quel mépris ! Ou
dans les cahiers d’un évadé de la première quelle inefficacité !
période : il s’évade de France en septembre
1940 pour se rendre en Angleterre, séjourne A la vérité, nous aussi nous pourrions écrire et
deux mois dans le “ camp de concentration ” - personne n’y songe, faute d’avoir l’adresse
c’est son appellation officielle- de Miranda de d’un destinataire en Angleterre, mais aussi
Ebro pour, de guerre lasse et à contre cœur parce qu’aucune de nos lettres vers la France
devant “ le silence de ceux de Londres ”, se n’a reçu de réponse jusqu’ici. Les propos de
laisser rapatrier en décembre. certains prisonniers sont probablement vrais :
le contre-espionnage espagnol détruit
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