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se et lui faire mes adieux. S’il est facile de L’Eléphant et la Cigogne.
dire pendant des jours et des jours : “ je pars, Drôle de jumelage ! Que peuvent bien avoir en
il faut partir ”, comme c’est dur d’agir quand commun ce pachyderme écraseur, champion
arrive l’instant où, pour la dernière fois peut- du monde animal par le poids et par la taille,
être, on quitte le foyer familial où l’on a été si et cet échassier caquetant, tout en finesse par
heureux et quand, pour la dernière fois peut- le bec et les longues pattes ?... Rien sinon que
être, on embrasse sa mère, quelle émotion dans ce Paris de novembre 1942 leurs deux
s’empare de votre cœur. “ Au revoir maman je bureaux sont voisins et que la cigogne, oiseau
reviendrai, c’est sûr. Je te le promets ”. Et pour migrateur, ne se sent pas à l’aise en France
envoyer un dernier adieu solennel, je me suis occupée. Mais elle a de bons tuyaux pour
retourné vers ma mère vers ma maison et au prendre le large vers des horizons où règne
garde-à-vous, j’ai salué dans un dernier geste, encore la liberté. L’éléphant (c’est moi), pense
un geste de soldat, et tout ce que j’emporte la même chose.
avec moi dans mon cœur.
L’étincelle qui les a rapprochés, c’est cette
Que c’est donc dur de partir, quand un seul information captée tôt le matin du 8
mot, un seul, peut vous faire rester, quand il novembre sur la B.B.C. et confirmée plus tard
suffit de dire : Non... Mais, là-bas, de l’autre par Radio-Paris : Les Américains ont débarqué
côté de la mer, un drapeau claque au vent ; il à l’aube sur les côtes d’Afrique du nord, en
porte sur son flanc la grande croix de Lorraine. plusieurs points. Ils portent essentiellement
Allons, il faut partir ! C’est un ordre ; c’est un leurs efforts sur Alger et Casablanca. Diomède
devoir ! Il faut partir pour revenir un jour, Catroux (c’est la “ cigogne ”) entre dans mon
victorieux. bureau.
- Alors vieux, qu’en penses-tu ?
Ernest Gaudet est un ami et un collègue de - Formidable ! Quelle base de départ ! Avec la
travail de Diomède Catroux, neveu du général maîtrise de l’air, les flottes anglaise et
Catroux qui représentera le général de Gaulle américaine, les Russes à l’est ... Hitler est
en Afrique du Nord. Ils ont leurs entrées à coincé. Deux ans que j’attendais ça !
Londres, chez les Français Libres. Pourtant, le - Alors, on fout le camp ?
document qui suit montre clairement que la - Excuse moi, tu vas un peu vite ! Ma famille
décision de quitter la France est liée à me pose un problème. Partir ? Peut-être, mais
l’annonce du débarquement anglo-américain comment ?
en Afrique du Nord, en novembre 1942. Le - Facile. Mon oncle, le Général, est bien placé
choix de se rendre en AFN, avant même que de et j’ai des contacts avec Londres.
Gaulle s’y installe et y triomphe, n’est donc pas - Laisse-moi quand même réfléchir.
toujours révélateur d’un choix giraudiste.
Assurément, il convient de réévaluer la En rentrant chez moi, j’apprends que la
puissance d’attraction, symbolique et concierge a eu la visite d’Allemands en civil ;
politique, qu’à eue sur l’opinion française ce ils lui ont demandé des renseignements sur
premier débarquement. Ce document, d’un moi et un voisin. Je téléphone à Jacques
tout autre point de vue, est intéressant aussi Robert. Au bout du fil, j’entends une voix
en ce qu’il montre combien il est difficile de allemande ! Je raccroche aussitôt. Ces deux
quitter (et peut-être d’abandonner) les siens. incidents ont joué beaucoup dans ma décision
Chaque départ est un drame humain, sans d’étudier rapidement les conditions dans
mot, souvent, mais avec l’insoutenable densité lesquelles je peux assurer une vie normale à
du regard. C’est à ce moment que se mesure ma famille, en quittant la France. En quelques
tout le poids que représente cet engagement. jours, je résous ce difficile problème. Il me faut
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dire pendant des jours et des jours : “ je pars, Drôle de jumelage ! Que peuvent bien avoir en
il faut partir ”, comme c’est dur d’agir quand commun ce pachyderme écraseur, champion
arrive l’instant où, pour la dernière fois peut- du monde animal par le poids et par la taille,
être, on quitte le foyer familial où l’on a été si et cet échassier caquetant, tout en finesse par
heureux et quand, pour la dernière fois peut- le bec et les longues pattes ?... Rien sinon que
être, on embrasse sa mère, quelle émotion dans ce Paris de novembre 1942 leurs deux
s’empare de votre cœur. “ Au revoir maman je bureaux sont voisins et que la cigogne, oiseau
reviendrai, c’est sûr. Je te le promets ”. Et pour migrateur, ne se sent pas à l’aise en France
envoyer un dernier adieu solennel, je me suis occupée. Mais elle a de bons tuyaux pour
retourné vers ma mère vers ma maison et au prendre le large vers des horizons où règne
garde-à-vous, j’ai salué dans un dernier geste, encore la liberté. L’éléphant (c’est moi), pense
un geste de soldat, et tout ce que j’emporte la même chose.
avec moi dans mon cœur.
L’étincelle qui les a rapprochés, c’est cette
Que c’est donc dur de partir, quand un seul information captée tôt le matin du 8
mot, un seul, peut vous faire rester, quand il novembre sur la B.B.C. et confirmée plus tard
suffit de dire : Non... Mais, là-bas, de l’autre par Radio-Paris : Les Américains ont débarqué
côté de la mer, un drapeau claque au vent ; il à l’aube sur les côtes d’Afrique du nord, en
porte sur son flanc la grande croix de Lorraine. plusieurs points. Ils portent essentiellement
Allons, il faut partir ! C’est un ordre ; c’est un leurs efforts sur Alger et Casablanca. Diomède
devoir ! Il faut partir pour revenir un jour, Catroux (c’est la “ cigogne ”) entre dans mon
victorieux. bureau.
- Alors vieux, qu’en penses-tu ?
Ernest Gaudet est un ami et un collègue de - Formidable ! Quelle base de départ ! Avec la
travail de Diomède Catroux, neveu du général maîtrise de l’air, les flottes anglaise et
Catroux qui représentera le général de Gaulle américaine, les Russes à l’est ... Hitler est
en Afrique du Nord. Ils ont leurs entrées à coincé. Deux ans que j’attendais ça !
Londres, chez les Français Libres. Pourtant, le - Alors, on fout le camp ?
document qui suit montre clairement que la - Excuse moi, tu vas un peu vite ! Ma famille
décision de quitter la France est liée à me pose un problème. Partir ? Peut-être, mais
l’annonce du débarquement anglo-américain comment ?
en Afrique du Nord, en novembre 1942. Le - Facile. Mon oncle, le Général, est bien placé
choix de se rendre en AFN, avant même que de et j’ai des contacts avec Londres.
Gaulle s’y installe et y triomphe, n’est donc pas - Laisse-moi quand même réfléchir.
toujours révélateur d’un choix giraudiste.
Assurément, il convient de réévaluer la En rentrant chez moi, j’apprends que la
puissance d’attraction, symbolique et concierge a eu la visite d’Allemands en civil ;
politique, qu’à eue sur l’opinion française ce ils lui ont demandé des renseignements sur
premier débarquement. Ce document, d’un moi et un voisin. Je téléphone à Jacques
tout autre point de vue, est intéressant aussi Robert. Au bout du fil, j’entends une voix
en ce qu’il montre combien il est difficile de allemande ! Je raccroche aussitôt. Ces deux
quitter (et peut-être d’abandonner) les siens. incidents ont joué beaucoup dans ma décision
Chaque départ est un drame humain, sans d’étudier rapidement les conditions dans
mot, souvent, mais avec l’insoutenable densité lesquelles je peux assurer une vie normale à
du regard. C’est à ce moment que se mesure ma famille, en quittant la France. En quelques
tout le poids que représente cet engagement. jours, je résous ce difficile problème. Il me faut
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