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rochers qui l’entourent. Le vent d’orage versants boisés de la montagne ; seul son
souffle et me retient pour une baignade. Ce bâton qui heurte les pierres du chemin
sera pour demain. Le soir, l’orage éclate. Je m’indique qu’il est toujours là. Au bout d’une
discute avec mon guide à qui j’explique ma demi-heure nous nous reposons un peu avant
situation. Il me fait une réduction de 200 d’attaquer la zone dangereuse devant les
francs et je lui promets un paquet de tabac. Il postes de garde. Il me donne quelques
me donne quelques détails sur la traversée conseils et marche toujours en avant afin de
fixée le lendemain soir. m’avertir d’un éventuel danger. Seul, il
s’aventure devant les postes et vient me
Mardi 22 juin. rechercher aussitôt. La route est libre et nous
Je me lève assez tardivement afin de me passons vivement les deux postes distants
préparer à l’offensive du soir. Dans l’après- d’un kilomètre environ. Nous sommes sauvés,
midi, je me décide après un bain de soleil de me dit-il, maintenant il n’y a plus rien à
me mouiller. Mes bagages sont prêts ; je craindre. Toujours nous montons et toujours
quitte ma chambre et vais souper au café de des cimes plus élevées apparaissent devant
Castellane. J’ai bon appétit car depuis nous. La lune se lève et éclaire les versants
dimanche je ne mange que pain et chocolat opposés aux nôtres. L’excursion se borne
afin d’avoir le plus d’argent possible pour maintenant à suivre sur le flanc de la
arriver en Espagne. Mon guide ma paie le café montagne un sentier pierreux et étroit entre
et le pousse-café et m’indique l’endroit où je la masse rocheuse à gauche et la descente
dois le retrouver : à l’extrémité de la ville au abrupte à droite couverte d’une maigre
sortir d’un tunnel. Je quitte Port-Vendres à la végétation sauvage.
tombée de la nuit, la traversée du tunnel n’est
pas chose facile : 800 mètres dans l’obscurité Je suis maintenant mon guide pas à pas et
avec comme but un petit cercle gris tout là-bas jette furtivement un coup d’œil vers
au fond. Je parviens bientôt au lieu du rendez- l’excavation qui s’ouvre à mes pieds. Mais
vous dans un décor sauvage, sous le ciel qui se nous n’avons pas le temps de contempler
fonce de plus en plus et dans lequel se lèvent cette nature pyrénéenne et nous poursuivons
les constellations que je distingue nettement. sans arrêt notre marche. Souvent notre pied
glisse ou butte contre les pierres qui rendent
Le vent souffle toujours et je m’endormirais notre traversée difficile. J’hésite à scruter
bien au chant berceur des arbustes l’obscurité du précipice au fond duquel je
avoisinants. Mon guide me retrouve et il est devine une rivière. Bientôt nous perdons de
23 heures quand nous partons. Nous vue la surface unie de la mer que l’altitude
gravissons pour commencer une petite colline nous permettait encore d’admirer et que nous
qui nous élève rapidement. Nous suivons supposions par la brume qui l’enveloppait.
tantôt un petit chemin, tantôt nous traversons Nous sommes maintenant en pleine
les broussailles piquantes de la végétation montagne. La fatigue commence à se faire
pyrénéenne. La pente abrupte se radoucit et sentir. Nous nous postons près d’une source
au bout d’une heure de marche nous où je prends plaisir à me désaltérer et me
atteignons un sentier assez large qui conduit débarrasser de mon sac qui pèse sur mes
vers l’Espagne. épaules. Dix minutes et nous reprenons notre
marche. Toujours ce sentier qui frôle la
Mercredi 23 juin. montagne et la crevasse et qui en suit tous les
Mon guide marche trente mètres environ contours. Bientôt nous arrivons au sommet
devant moi ; il m’arrive bien souvent de ne d’une montagne, après en avoir contourné
plus voir sa silhouette qui disparaît devant les une autre. La lune projette maintenant nos

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