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temps on y passera que d’être enfermé là, facilement ce pavillon 18 mais les difficultés
sine die. Certains sont arrêtés depuis trois commencent aussitôt. Pas une seule lumière à
mois. Personne, jusqu’à présent, n’a été l’intérieur.
libéré.
Nous n’avons aucune idée de l’ordonnance
Le carnet inédit d’un autre interné laisse des lieux mais comprenons assez vite que, de
apparaître le même sentiment de désarroi qui part et d’autre d’un couloir central, il y a deux
s’empare de l’évadé au moment où il devient étages de sortes de cages grouillantes de
captif et passe sa première nuit au milieu des bruits divers. Des ronflements, des
autres. La nuit est aussi vécue ici comme une gémissements, des râles ponctués de jurons.
épreuve, venant après tant d’autres. La Ceux-ci, petit à petit, deviendront
promiscuité se présente sous son aspect le plus prédominants, au fur et à mesure de nos
détestable. L’espace réduit impose la présence tentatives d’insertion ! Rien à faire, je suis sans
intempestive des autres et interdit le sommeil. cesse repoussé à coups de pieds. L’accueil
La nuit, c’est le moment où la sociabilité forcée n’est pas chaleureux ! Arrivé au fond du
de ces regroupements humains offre sa bâtiment, je décide de dormir dans le couloir,
dimension la plus désagréable : les corps sur le sol. Je suis vite dérangé par quelqu’un
enchevêtrés, les coups, les râles, les odeurs, les qui, non seulement me marche dessus, mais
cauchemars intempestifs, les disputes… Il y a me décroche quelques coups de pieds
les autres détenus, mais il y a aussi les ponctués d’injures. J’apprendrai, par la suite,
animaux qui profitent du sommeil des qu’un incessant va-et-vient a lieu toutes les
hommes pour faire leur marché de nourriture, nuits entre les “ calles ” (ainsi appelle-t-on ces
de sang, qui s’attaquent sans vergogne aux fameuses cages) et les lieux d’aisance. Je
corps affaiblis et impropres des détenus. La décide alors de me rouler en boule au pied
première nuit, particulièrement, laisse un d’un poteau... mais là, ce sont les habitants
souvenir durable. “ supérieurs ” qui m’arrivent sur la tête ! ...
Nous sommes arrivés. Remenottés, nos Je finis par m’endormir, écrasé de fatigue,
gardiens nous regroupent difficilement dans après avoir trouvé un moyen terme... Une
ce jour déclinant. Le trajet est court. Nous série de petits points froids, comme un
voilà dans notre nouveau lieu de villégiature. “ pointillé ” traversant ma figure, me tire de ce
Rien de commun avec le précédent ! sommeil pourtant profond. C’est un rat !
“ DEPOSITO DE CONCENTRATION DE Encore une expérience. Je ne savais pas que
MIRANDA DE EBRO ”. Nous franchissons deux ces rongeurs avaient le dessous des pattes
enceintes, à ce qu’il nous semble, et sommes aussi gelé ! Notre dignité, un instant et
parqués sur une vaste esplanade, très partiellement retrouvée à Caldas, s’effondre à
éclairée. L’attente est interminable. La nuit est nouveau mais nous avons acquis une grande
tombée depuis longtemps et des soldats nous souplesse d’adaptation. Le problème du
comptent et recomptent sans cesse... Enfin, le moment, pour moi, n’est pas de philosopher,
résultat de tous ces efforts semble là, entre les mais bien d’étancher une soif qui me torture...
doigts d’un officier. Une liste qu’il compulse... Rien à faire... pas une goutte d’eau ! Il me faut
des ordres donnés aux soldats qui nous attendre le “ liquide ” du matin pour être
fragmentent par petits groupes “ PABELLON soulagé... et cette nuit n’en finit pas ! Avec
DIEZ Y OCHO ”. Comme tous les camps de l’arrivée du jour, beaucoup d’ennuis
concentration, celui-ci est composé de longs s’effacent.
bâtiments sans étages, alignés. L’éclairage
très abondant, nous permet de trouver
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sine die. Certains sont arrêtés depuis trois commencent aussitôt. Pas une seule lumière à
mois. Personne, jusqu’à présent, n’a été l’intérieur.
libéré.
Nous n’avons aucune idée de l’ordonnance
Le carnet inédit d’un autre interné laisse des lieux mais comprenons assez vite que, de
apparaître le même sentiment de désarroi qui part et d’autre d’un couloir central, il y a deux
s’empare de l’évadé au moment où il devient étages de sortes de cages grouillantes de
captif et passe sa première nuit au milieu des bruits divers. Des ronflements, des
autres. La nuit est aussi vécue ici comme une gémissements, des râles ponctués de jurons.
épreuve, venant après tant d’autres. La Ceux-ci, petit à petit, deviendront
promiscuité se présente sous son aspect le plus prédominants, au fur et à mesure de nos
détestable. L’espace réduit impose la présence tentatives d’insertion ! Rien à faire, je suis sans
intempestive des autres et interdit le sommeil. cesse repoussé à coups de pieds. L’accueil
La nuit, c’est le moment où la sociabilité forcée n’est pas chaleureux ! Arrivé au fond du
de ces regroupements humains offre sa bâtiment, je décide de dormir dans le couloir,
dimension la plus désagréable : les corps sur le sol. Je suis vite dérangé par quelqu’un
enchevêtrés, les coups, les râles, les odeurs, les qui, non seulement me marche dessus, mais
cauchemars intempestifs, les disputes… Il y a me décroche quelques coups de pieds
les autres détenus, mais il y a aussi les ponctués d’injures. J’apprendrai, par la suite,
animaux qui profitent du sommeil des qu’un incessant va-et-vient a lieu toutes les
hommes pour faire leur marché de nourriture, nuits entre les “ calles ” (ainsi appelle-t-on ces
de sang, qui s’attaquent sans vergogne aux fameuses cages) et les lieux d’aisance. Je
corps affaiblis et impropres des détenus. La décide alors de me rouler en boule au pied
première nuit, particulièrement, laisse un d’un poteau... mais là, ce sont les habitants
souvenir durable. “ supérieurs ” qui m’arrivent sur la tête ! ...
Nous sommes arrivés. Remenottés, nos Je finis par m’endormir, écrasé de fatigue,
gardiens nous regroupent difficilement dans après avoir trouvé un moyen terme... Une
ce jour déclinant. Le trajet est court. Nous série de petits points froids, comme un
voilà dans notre nouveau lieu de villégiature. “ pointillé ” traversant ma figure, me tire de ce
Rien de commun avec le précédent ! sommeil pourtant profond. C’est un rat !
“ DEPOSITO DE CONCENTRATION DE Encore une expérience. Je ne savais pas que
MIRANDA DE EBRO ”. Nous franchissons deux ces rongeurs avaient le dessous des pattes
enceintes, à ce qu’il nous semble, et sommes aussi gelé ! Notre dignité, un instant et
parqués sur une vaste esplanade, très partiellement retrouvée à Caldas, s’effondre à
éclairée. L’attente est interminable. La nuit est nouveau mais nous avons acquis une grande
tombée depuis longtemps et des soldats nous souplesse d’adaptation. Le problème du
comptent et recomptent sans cesse... Enfin, le moment, pour moi, n’est pas de philosopher,
résultat de tous ces efforts semble là, entre les mais bien d’étancher une soif qui me torture...
doigts d’un officier. Une liste qu’il compulse... Rien à faire... pas une goutte d’eau ! Il me faut
des ordres donnés aux soldats qui nous attendre le “ liquide ” du matin pour être
fragmentent par petits groupes “ PABELLON soulagé... et cette nuit n’en finit pas ! Avec
DIEZ Y OCHO ”. Comme tous les camps de l’arrivée du jour, beaucoup d’ennuis
concentration, celui-ci est composé de longs s’effacent.
bâtiments sans étages, alignés. L’éclairage
très abondant, nous permet de trouver
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