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nuit est un combat. Un combat pour trouver satisfaisant sur nos boutons : ce soir, douche
le sommeil, pour chasser les mauvaises et pommade. Cette fois, la pommade est
pensées. Mais c’est aussi un combat contre blanche et douce. Elle me fait penser à la
l’ennemi intime des internés -les animaux crème qui barbouille le visage des jeunes
parasites- qui peut venir à bout des plus Parisiennes. Nous sommes tout blancs, et la
endurcis. Robert Basquin est un entêté de sueur coule, coule, à en faire une mare à nos
l’espérance, un être éminemment positif qui pieds !
trouve toujours de bonnes raisons pour ne pas
se laisser aller au renoncement. Deux louches Mardi 17 août.
de soupe au lieu d’une, et le voilà ravi ! Ce La nuit a été meilleure, peut-être à cause de la
moral d’indomptable, pourtant, subit un rude pommade, peut-être aussi à cause d’un
coup de la part de ces empêcheuses de dormir stratège de défense contre l’invasion
en rond que sont les punaises. Au milieu du “ punaisienne ”… Nous avons étendu nos
mois d’août 1943, le jeune homme, déjà aux couvertures et nos affaires en plein milieu de
prises avec la chaleur torride de l’Espagne qui la cellule et pour nous isoler du mur nous
affaiblit les faibles organismes des internés, avons arrosé d’eau le tour de notre îlot.
doit affronter cet animal sordide qui lance ses Plusieurs fois dans la nuit il a fallu renouveler
offensives la nuit, interdisant tout sommeil, l’arrosage protecteur ; même j’en ai ma
sapant le moral comme le physique. C’est une couverture trempée ! Enfin nous avons dormi
véritable lutte qu’il doit mener, comme le et c’était là notre but. […]
suggère même les expressions qu’il emploie.
Mais à quand le vrai combat ? Vendredi 20 août.
Jamais depuis mon arrivée dans cette boîte je
Dimanche 15 août 1943. ne me suis trouvé en face de tant de punaises.
Cette nuit comme la précédente a été Je n’ai pas fermé l’œil d’une minute et suis
mouvementée, du fait d’une offensive resté tantôt assis, tantôt debout, me grattant
générale des punaises. Nous les chassons à sans arrêt et écrasant les maudites bêtes soir
l’aide d’allumettes et restons plusieurs heures sur un bras, soit sur une jambe ou une oreille.
sans dormir. Le jour, les mouches nous Quelle nuit blanche ! […] Le moral après cette
agacent et la nuit ce sont les punaises. Ce nuit et ces nouvelles est extrêmement bas.
matin, j’ai même découvert un nid de fourmis Après 58 jours d’internement, c’est la
dans un coin de la cellule : la ménagerie première fois que je me trouve dans un tel
monte ! Demain matin, je retourne au docteur état. J’ai la tête qui boue et vraiment, je
qui fera un diagnostic de mon état de santé. souffre : ces 4 murs, cette cellule me semblent
Peut-être retournerai-je avec mes plus durs, plus hauts, plus sévères que
compagnons de la 25 ? […] d’habitude. J’ai le cœur serré et l’esprit prêt à
la révolte. Je voudrais appeler “ au secours ”
Lundi 16 août 1943. tellement je suis dans un cafard
La nuit a été excessivement mauvaise : les extraordinaire ; et cette nouvelle cellule, je ne
punaises ont lancé dans la bataille de pourrai pas m’y habituer. Ah ! Quelle
puissantes forces qui nous ont contraints de journée ! Ces Espagnols me répugnent et pour
replier nos couvertures. Durant trois heures, longtemps je garderai un souvenir assez
nous avons parcouru près de cinq kilomètres médiocre de ces hommes. Ah ! enfin, passons.
en allant d’un bout à l’autre de la cellule : de
la porte à la fenêtre. C’est ce qu’on appelle La chaleur est étouffante, la sueur coule sur
une nuit blanche. Nous sommes allés à la les tempes, dans le dos, sur les jambes et les
visite. Le docteur a jeté un coup d’œil bras. Je n’ose plus penser à la famille, à la
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le sommeil, pour chasser les mauvaises et pommade. Cette fois, la pommade est
pensées. Mais c’est aussi un combat contre blanche et douce. Elle me fait penser à la
l’ennemi intime des internés -les animaux crème qui barbouille le visage des jeunes
parasites- qui peut venir à bout des plus Parisiennes. Nous sommes tout blancs, et la
endurcis. Robert Basquin est un entêté de sueur coule, coule, à en faire une mare à nos
l’espérance, un être éminemment positif qui pieds !
trouve toujours de bonnes raisons pour ne pas
se laisser aller au renoncement. Deux louches Mardi 17 août.
de soupe au lieu d’une, et le voilà ravi ! Ce La nuit a été meilleure, peut-être à cause de la
moral d’indomptable, pourtant, subit un rude pommade, peut-être aussi à cause d’un
coup de la part de ces empêcheuses de dormir stratège de défense contre l’invasion
en rond que sont les punaises. Au milieu du “ punaisienne ”… Nous avons étendu nos
mois d’août 1943, le jeune homme, déjà aux couvertures et nos affaires en plein milieu de
prises avec la chaleur torride de l’Espagne qui la cellule et pour nous isoler du mur nous
affaiblit les faibles organismes des internés, avons arrosé d’eau le tour de notre îlot.
doit affronter cet animal sordide qui lance ses Plusieurs fois dans la nuit il a fallu renouveler
offensives la nuit, interdisant tout sommeil, l’arrosage protecteur ; même j’en ai ma
sapant le moral comme le physique. C’est une couverture trempée ! Enfin nous avons dormi
véritable lutte qu’il doit mener, comme le et c’était là notre but. […]
suggère même les expressions qu’il emploie.
Mais à quand le vrai combat ? Vendredi 20 août.
Jamais depuis mon arrivée dans cette boîte je
Dimanche 15 août 1943. ne me suis trouvé en face de tant de punaises.
Cette nuit comme la précédente a été Je n’ai pas fermé l’œil d’une minute et suis
mouvementée, du fait d’une offensive resté tantôt assis, tantôt debout, me grattant
générale des punaises. Nous les chassons à sans arrêt et écrasant les maudites bêtes soir
l’aide d’allumettes et restons plusieurs heures sur un bras, soit sur une jambe ou une oreille.
sans dormir. Le jour, les mouches nous Quelle nuit blanche ! […] Le moral après cette
agacent et la nuit ce sont les punaises. Ce nuit et ces nouvelles est extrêmement bas.
matin, j’ai même découvert un nid de fourmis Après 58 jours d’internement, c’est la
dans un coin de la cellule : la ménagerie première fois que je me trouve dans un tel
monte ! Demain matin, je retourne au docteur état. J’ai la tête qui boue et vraiment, je
qui fera un diagnostic de mon état de santé. souffre : ces 4 murs, cette cellule me semblent
Peut-être retournerai-je avec mes plus durs, plus hauts, plus sévères que
compagnons de la 25 ? […] d’habitude. J’ai le cœur serré et l’esprit prêt à
la révolte. Je voudrais appeler “ au secours ”
Lundi 16 août 1943. tellement je suis dans un cafard
La nuit a été excessivement mauvaise : les extraordinaire ; et cette nouvelle cellule, je ne
punaises ont lancé dans la bataille de pourrai pas m’y habituer. Ah ! Quelle
puissantes forces qui nous ont contraints de journée ! Ces Espagnols me répugnent et pour
replier nos couvertures. Durant trois heures, longtemps je garderai un souvenir assez
nous avons parcouru près de cinq kilomètres médiocre de ces hommes. Ah ! enfin, passons.
en allant d’un bout à l’autre de la cellule : de
la porte à la fenêtre. C’est ce qu’on appelle La chaleur est étouffante, la sueur coule sur
une nuit blanche. Nous sommes allés à la les tempes, dans le dos, sur les jambes et les
visite. Le docteur a jeté un coup d’œil bras. Je n’ose plus penser à la famille, à la
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