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Fascicolo Speciale 2021 - Intelligence militare, guerra clandestina e Operazioni Speciali
cherche à préserver un équilibre précaire entre les Alliés et l’Axe, et plus parti-
culièrement entre le Royaume-Uni, son allié traditionnel et puissance maritime
incontestée, et l’Allemagne nazie, qui pendant un temps domine l’Europe conti-
nentale73. Il poursuit la même politique de non-intervention, centrée sur les seuls
intérêts stratégiques de son pays et la stabilité de l’Estado Novo, pour ce qui est
des réfugiés, notamment juifs, qui convergent vers le Portugal à l’été 1940 et
après l’occupation par les troupes allemandes de la zone Sud en novembre 194274.
Dans ce contexte, il faut se montrer précautionneux et vigilant, avoir un peu
de chance parfois, pour ne pas être arrêté puis incarcéré sur le territoire espagnol,
ou pire, refoulé puis être livré aux autorités françaises, et dans les cas les plus fu-
nestes, aux Gebirgsjagers. Le plus grand danger lors du franchissement des Py-
rénées est constitué par les patrouilles allemandes à travers lesquelles les pas-
seurs aguerris comme les apprentis montagnards doivent se faufiler75. Souvent
flanquées de chiens renifleurs, elles traquent sans répit ni merci les membres des
réseaux et leurs potentiels « clients »76. Les agents de passage aussi bien que les
membres des services spéciaux rivalisent alors de bravoure et d’ingéniosité pour
faire passer « colis », courriers, et armes.
Par exemple, on peut revenir sur le parcours de Roger Rieu, passeur du ré-
seau Wi-Wi lié à l’OSS, principalement implanté en Ariège. Lors des contrôles, il a
pris l’habitude de justifier ses allers-retours réguliers entre Seix ou Couflens, com-
munes frontalières de l’Espagne, et Saint-Girons, où il livre les courriers dans les
toilettes d’un café, par le paludisme qu’il a contracté du temps de son service mili-
taire en Afrique. Cette affection qui lui provoque des crises répétées l’oblige à des
consultations médicales très fréquentes chez le docteur Lagorce77... Dans un en-
tretien réalisé en 1992, Roger Rieu témoigne que lors d’un « contrôle musclé », il
parvient même à susciter chez le redouté capitaine Dreyer qui dirige la Gestapo78
73 Filipe Ribeiro de Meneses, « Salazar face à la Shoah », Revue d’Histoire de la Shoah,
vol. 203, n°2, 2015, p. 274.
74 Ibid., p. 255-276.
75 Émilienne Eychenne, op. cit., p. 43-100.
76 Lettre adressée par le capitaine de vaisseau Jacques de Flichy après son franchisse-
ment des Pyrénées grâce au réseau Sarrazin en septembre 1943, cité dans Thomas
Ferrer, Passeurs et évadés dans les Pyrénées. Franchir la frontière franco-espagnole
durant la Seconde Guerre mondiale, Éditions Cairn, 2018, p. 123.
77 Annie Rieu-Mias, op. cit., p. 50-51.
78 Abréviation de Geheime Staatspolizei (police secrète d’État).
cherche à préserver un équilibre précaire entre les Alliés et l’Axe, et plus parti-
culièrement entre le Royaume-Uni, son allié traditionnel et puissance maritime
incontestée, et l’Allemagne nazie, qui pendant un temps domine l’Europe conti-
nentale73. Il poursuit la même politique de non-intervention, centrée sur les seuls
intérêts stratégiques de son pays et la stabilité de l’Estado Novo, pour ce qui est
des réfugiés, notamment juifs, qui convergent vers le Portugal à l’été 1940 et
après l’occupation par les troupes allemandes de la zone Sud en novembre 194274.
Dans ce contexte, il faut se montrer précautionneux et vigilant, avoir un peu
de chance parfois, pour ne pas être arrêté puis incarcéré sur le territoire espagnol,
ou pire, refoulé puis être livré aux autorités françaises, et dans les cas les plus fu-
nestes, aux Gebirgsjagers. Le plus grand danger lors du franchissement des Py-
rénées est constitué par les patrouilles allemandes à travers lesquelles les pas-
seurs aguerris comme les apprentis montagnards doivent se faufiler75. Souvent
flanquées de chiens renifleurs, elles traquent sans répit ni merci les membres des
réseaux et leurs potentiels « clients »76. Les agents de passage aussi bien que les
membres des services spéciaux rivalisent alors de bravoure et d’ingéniosité pour
faire passer « colis », courriers, et armes.
Par exemple, on peut revenir sur le parcours de Roger Rieu, passeur du ré-
seau Wi-Wi lié à l’OSS, principalement implanté en Ariège. Lors des contrôles, il a
pris l’habitude de justifier ses allers-retours réguliers entre Seix ou Couflens, com-
munes frontalières de l’Espagne, et Saint-Girons, où il livre les courriers dans les
toilettes d’un café, par le paludisme qu’il a contracté du temps de son service mili-
taire en Afrique. Cette affection qui lui provoque des crises répétées l’oblige à des
consultations médicales très fréquentes chez le docteur Lagorce77... Dans un en-
tretien réalisé en 1992, Roger Rieu témoigne que lors d’un « contrôle musclé », il
parvient même à susciter chez le redouté capitaine Dreyer qui dirige la Gestapo78
73 Filipe Ribeiro de Meneses, « Salazar face à la Shoah », Revue d’Histoire de la Shoah,
vol. 203, n°2, 2015, p. 274.
74 Ibid., p. 255-276.
75 Émilienne Eychenne, op. cit., p. 43-100.
76 Lettre adressée par le capitaine de vaisseau Jacques de Flichy après son franchisse-
ment des Pyrénées grâce au réseau Sarrazin en septembre 1943, cité dans Thomas
Ferrer, Passeurs et évadés dans les Pyrénées. Franchir la frontière franco-espagnole
durant la Seconde Guerre mondiale, Éditions Cairn, 2018, p. 123.
77 Annie Rieu-Mias, op. cit., p. 50-51.
78 Abréviation de Geheime Staatspolizei (police secrète d’État).

