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Fascicolo Speciale 2021 - Intelligence militare, guerra clandestina e Operazioni Speciali

De son côté, Franco, dont les objectifs géopolitiques et économiques sont
multiples à la sortie de la guerre civile19, se méfie beaucoup des autorités civiles
et militaires de la Troisième République, qui selon lui, ont une responsabilité
réelle dans le prolongement de la résistance républicaine20. Cette relation faite de
défiance et de dissimulation est symbolisée par l’accueil très frais réservé en mars
1939 au nouvel ambassadeur envoyé en Espagne, le maréchal Pétain, dont la no-
mination avait toutefois flatté l’orgueil du caudillo21. Par ailleurs, Franco a dans
son jeu un atout de poids qu’il n’hésite pas à mettre dans la balance : les centaines
de milliers de républicains réfugiés en France et que le gouvernement Daladier
souhaiterait rapidement voir repartir en Espagne.

Les rapatriements sont donc l’objet de négociations serrées et ils se font sous
très haute surveillance. Le régime franquiste naissant veille à ne laisser aucun
agent ennemi, a fortiori armé, revenir en Espagne. Émilienne Eychenne, regret-
tée spécialiste des passages dans les Pyrénées durant la Seconde Guerre mon-
diale, résume ainsi la situation : « Franco ne laisse pas la montagne surveiller
seule la frontière française22. » Avec l’entrée en guerre officielle de la France le 3
septembre 1939, le niveau de surveillance s’élève encore et avec elle une certaine
hantise obsidionale. Par exemple, le 30 novembre, une note des renseignements
militaires français signale la présence de 60 000 soldats espagnols massés der-
rières les Pyrénées. Ils sont soutenus, semble-t-il, par plusieurs troupes alpines et
trois régiments d’artillerie venus d’Italie23.

Après l’attaque allemande, les instructions, empreintes d’une angoisse gran-
dissante, deviennent encore plus sévères comme en témoigne cette note du minis-
tère de l’Intérieur adressée, dans un style télégraphique caractéristique, à tous les
préfets du Sud-Ouest le 15 mai 1940  :

« Suis informé source sérieuse que parmi Espagnols franchissant frontière
française se trouverait nombre important agents ennemis instruits pour

19 Sans être exhaustif, on peut signaler la volonté de récupérer la flotte républicaine ré-
fugiée à Bizerte en Tunisie, les revendications territoriales au Maroc ou encore l’ob-
session de Franco pour le retour de « l’or d’Espagne ».

20 Jean-François Berdah, « La frontière... », op. cit., p. 8 de la version en ligne.
21 Michel Catala, « L’ambassade espagnole de Pétain (mars 1939-mai 1940) », Ving-

tième Siècle, revue d’histoire, n°55, juillet-septembre 1997, p. 32.
22 Émilienne Eychenne, Pyrénées de la liberté. Les évasions par l’Espagne, 1939-1945,

Éditions Privat, 1998, p. 43.
23 Stéphane Marques, op. cit., p. 130-131.
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