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En tournant sous la verrière Samedi 11 décembre 1943.
Souviens-toi ! Souviens-toi ! Départ pour l’Afrique.
Tes anciens s'y emmerdèrent 7h 30. Bandera. Préparation.
8h. Rassemblement, appel par 25. Passage de
Avant toi, avant toi. la grille nominativement. Rassemblement
Ils sont partis pour la guerre, dans la cour de la caserne contiguë au camp.
Toi, t'es là. Ah ! quelle misère, Remise des sauf-conduit par un carabinier et
Mais dans un avenir proche, des sommes françaises déposées à l’arrivée en
On dira “ Merde ” au Boche ! Espagne. Sortie du camp 10h 45 sous un froid
de canard. Nous conservons les couvertures
La seule chose qui importe, de la Croix-Rouge. Un camion chargé de vivres
La seule à laquelle nous pensions nous est distribué : 4 paniers et 2 litres de vin.
C'est que l'on nous foute à la porte Nous gagnons la gare et montons dans des
wagons de marchandises. Voilà le train
De cette maudite prison, spécial. Départ de Miranda à 13 heures.
On ne veut plus être “ imaginaires ”
Dimanche 12 décembre.
On en a marre du rancho, Nous passons toute la journée dans la paille,
De toutes vos petites misères, entassés comme des bestiaux. Vers 8 heures,
nous atteignons Madrid (gare du Nord) que
Du recuento et du patio, nous traversons. Ceinture ensuite jusqu’à
Mais qu'est qu'ça fout, on s'en fout. Madrid Sud où nous arrivons à 10h 30. Nous
descendons et la Croix-Rouge nous reçoit avec
Refrain etc… un panier et un demi litre de vin. Nous
montons aussitôt dans un train de voyageurs
Fuyez, fuyez tous la France, spécial pour nous. Monseigneur Boyer-Mas
Le cœur rempli d’espérance, est présent. Nous quittons Madrid à midi pour
Car c’est de votre souffrance Malaga. Le train est express et s’arrête peu de
Que viendra la délivrance. temps aux gares où les affamés descendent,
envahissent le buffet ou la cantine et rentrent
25. Les Portugais accueillent les réfugiés au son d’une cloche dans les wagons alors que
au cri de “ Viva Francia ” le train démarre. Quelques-uns restent sur les
quais. Beaucoup reviennent avec du pain, des
Mai 1943 marque le début des convois oranges, des bouteilles de cognac, d’anisette…
collectifs d’évadés de la Péninsule ibérique Traversée admirable de la Sierra Nevada sous
vers l’Afrique du Nord. Le récit le plus détaillé un clair de lune d’Andalousie. Arrivée à
sur le départ d’Espagne et l’arrivée à Malaga dans la nuit à 4 heures.
Casablanca, je l’ai trouvé dans les carnets
intimes de Robert Basquin. Comment se passe Lundi 13 décembre.
le dernier jour de captivité ? Comment Nous passons le reste de la nuit dans le train.
s’effectue le voyage jusqu’à Malaga, ultime A 8 heures, la Croix-Rouge distribue pain,
étape espagnole ? Comment regarde-t-on se chocolat, café, cigarettes. Nous ne devons pas
profiler à l’horizon la nouvelle terre de liberté, sortir de la gare mais nous voulons quand
terre inconnue de la majorité des évadés ? même jouir un peu de notre liberté dans
Premières images, premières impressions. Malaga. Et nous sortons par un passage
Voici ce qu’il note de tout cela, avec sa rigueur secret.
toute notariale, après 6 mois de privation
totale de liberté, dont deux mois, les derniers,
au camp de Miranda. Ces notes seront aussi
les dernières de ses carnets.
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Souviens-toi ! Souviens-toi ! Départ pour l’Afrique.
Tes anciens s'y emmerdèrent 7h 30. Bandera. Préparation.
8h. Rassemblement, appel par 25. Passage de
Avant toi, avant toi. la grille nominativement. Rassemblement
Ils sont partis pour la guerre, dans la cour de la caserne contiguë au camp.
Toi, t'es là. Ah ! quelle misère, Remise des sauf-conduit par un carabinier et
Mais dans un avenir proche, des sommes françaises déposées à l’arrivée en
On dira “ Merde ” au Boche ! Espagne. Sortie du camp 10h 45 sous un froid
de canard. Nous conservons les couvertures
La seule chose qui importe, de la Croix-Rouge. Un camion chargé de vivres
La seule à laquelle nous pensions nous est distribué : 4 paniers et 2 litres de vin.
C'est que l'on nous foute à la porte Nous gagnons la gare et montons dans des
wagons de marchandises. Voilà le train
De cette maudite prison, spécial. Départ de Miranda à 13 heures.
On ne veut plus être “ imaginaires ”
Dimanche 12 décembre.
On en a marre du rancho, Nous passons toute la journée dans la paille,
De toutes vos petites misères, entassés comme des bestiaux. Vers 8 heures,
nous atteignons Madrid (gare du Nord) que
Du recuento et du patio, nous traversons. Ceinture ensuite jusqu’à
Mais qu'est qu'ça fout, on s'en fout. Madrid Sud où nous arrivons à 10h 30. Nous
descendons et la Croix-Rouge nous reçoit avec
Refrain etc… un panier et un demi litre de vin. Nous
montons aussitôt dans un train de voyageurs
Fuyez, fuyez tous la France, spécial pour nous. Monseigneur Boyer-Mas
Le cœur rempli d’espérance, est présent. Nous quittons Madrid à midi pour
Car c’est de votre souffrance Malaga. Le train est express et s’arrête peu de
Que viendra la délivrance. temps aux gares où les affamés descendent,
envahissent le buffet ou la cantine et rentrent
25. Les Portugais accueillent les réfugiés au son d’une cloche dans les wagons alors que
au cri de “ Viva Francia ” le train démarre. Quelques-uns restent sur les
quais. Beaucoup reviennent avec du pain, des
Mai 1943 marque le début des convois oranges, des bouteilles de cognac, d’anisette…
collectifs d’évadés de la Péninsule ibérique Traversée admirable de la Sierra Nevada sous
vers l’Afrique du Nord. Le récit le plus détaillé un clair de lune d’Andalousie. Arrivée à
sur le départ d’Espagne et l’arrivée à Malaga dans la nuit à 4 heures.
Casablanca, je l’ai trouvé dans les carnets
intimes de Robert Basquin. Comment se passe Lundi 13 décembre.
le dernier jour de captivité ? Comment Nous passons le reste de la nuit dans le train.
s’effectue le voyage jusqu’à Malaga, ultime A 8 heures, la Croix-Rouge distribue pain,
étape espagnole ? Comment regarde-t-on se chocolat, café, cigarettes. Nous ne devons pas
profiler à l’horizon la nouvelle terre de liberté, sortir de la gare mais nous voulons quand
terre inconnue de la majorité des évadés ? même jouir un peu de notre liberté dans
Premières images, premières impressions. Malaga. Et nous sortons par un passage
Voici ce qu’il note de tout cela, avec sa rigueur secret.
toute notariale, après 6 mois de privation
totale de liberté, dont deux mois, les derniers,
au camp de Miranda. Ces notes seront aussi
les dernières de ses carnets.
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