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attendant l'honneur de pouvoir vous servir, Je vous fais savoir que je suis indigène, Nord-
mon Général, je me permets de vous offrir ma Africain, donc musulman, et le mois de
respectueuse admiration, et, à travers vous, Ramadan, nous a été fixé au 3 septembre
de saluer la France ! 1943. La perspective de passer le mois de jeun
dans un camp de concentration m’afflige, et
Que Dieu vous accompagne, qu'il guide vos surtout loin de ma famille, car je serais obligé
décisions et vous inspire. Mes prières vous d’enfreindre à la loi coranique, et ceci pour la
suivent partout. première fois.
Jusqu'à la victoire,
Vive la France ! Voyez, Monsieur, quelle est ma situation à ce
jour. Je vous fais savoir, Monsieur, les
La religion intervient assez fréquemment dans renseignements qui pourraient vous être
l’argumentaire des internés pour obtenir une utiles :
sortie rapide. Les musulmans évoquent très Nom : Belkhir
opportunément le Ramadan, et la perspective Prénom : Maômar
dramatique que représente pour eux le jeun Né le : 3 février 1922 à Oran
dans un camp. La Mission française de Madrid Adresse : 16 rue du Bey Brahim, Village Nègre,
a lu cette lettre d’un “ indigène ” d’AFN, qui Oran
porte la mention : “ Répondu par carte, le 25-
8-43 ”. Actuellement au camp de concentration de
Pabellon 20, Miranda de Ebro
Monsieur, Province de Burgos-España.
Je vous prie de bien vouloir excuser l’audace En espérant que vous étudierez mon cas assez
avec laquelle je me permets de vous expédier particulièrement, et en attendant votre
la présente lettre. C’est parce que je réponse avec la plus grande impatience,
commence à me trouver dans une situation recevez, Monsieur, mes respectueuses
assez particulière que je me suis décidé à vous salutations.
écrire. Ayant été fait prisonnier le 26 février
1943 à Sed/Djennars en Tunisie, je fus Des évadés reconnaissants à l’égard de
“ rapatrié ” en France et démobilisé. Mais l’infatigable “ Monseigneur ” à qui ils doivent
ayant voulu rejoindre l’Afrique du Nord pour tant (et qui l’écrivent), il en existe. Je ne citerai
des raisons que sans aucun doute vous devez que cet échange émouvant entre Boyer-Mas
connaître, j’entrais en Espagne. Je fus arrêté à et le rabbin René Maldo, évadé de France. Ce
Espoya le 5 mai 1943, et mis à la prison de dernier se morfond à la calle 14 du camp de
Figuéras où je passais 51 jours, transféré à Miranda et souhaiterait se rendre en Palestine
Gérone, je passais 15 jours ; puis libéré de pour y remplir sa mission religieuse. Le très
cette dernière pour aller au camp de œcuménique Boyer-Mas considère ce rabbin
concentration de Miranda. On me mit 4 jours comme un rebelle à l’ordre nazi, et pour cela a
dans la prison cellulaire de Barcelone. Et, toute ses sympathies. Il lui répond bien
depuis le 11 juillet 1943, je suis dans le camp volontiers le 4 août 1943.
de Miranda. Pensez, Monsieur, quelle volonté
il faut avoir, pour ne pas être démoralisé, Monsieur le Rabbin,
surtout pour un prisonnier. Ensuite,
l’éloignement de la famille et la nostalgie J'ai été très sensible aux sentiments que vous
pèsent à leur tour. avez bien voulu m'exprimer dans votre lettre
du 27 juillet. Soyez certain que votre caractère
sacerdotal m'est une garantie suffisante et

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